Mai
01

Messieurs, avez-vous ski faut?

Messieurs, avez-vous  » ski  » faut ? par Christianne Caya

Un autre bel hiver vient de s’ajouter à ma vie. Plus de mille kilomètres parcourus dans les sous-bois à la rencontre de pistes de lièvres et d’homo-sapiens quelques fois bien particuliers… Après quinze ans d’entraînement en ski, en majeure partie solitaire, je peux vous parler du genre humain que j’ai pu rencontrer en compétition ou à l’entraînement. Ah que si ! Tous des beaux bonhommes !

Imaginez-vous donc que les valeureux membres masculins du conseil d’administration de l’AMSF m’ont exhortée de produire un article scientifique [rejoignant la rigueur du Docteur Guy Thibault] portant sur la chose. Je leur ai promis que, pour une fois, moi, Christianne, représentante de la gent féminine, je me paierais la traite…

Lorsqu’une fille skie seule, il peut lui arriver de rencontrer plusieurs sortes de matamores. La première catégorie la plus courante étant celle-ci : skiant à un bon rythme, je dépasse un gars qui, vexé dans son amour propre et croyant à une attaque à sa virilité, se met en quête de reprendre sa place… devant moi bien entendu. Alors commence la chasse à la  » p’tite mosusse « . Tu le sens reprendre un peu de vitesse derrière tes skis, tu entends le souffle court de la bête de chasse et là, compétitive comme je suis, j’augmente encore le rythme, un peu question de faire travailler la proie. Ah quel plaisir ! Je vous le jure. En plus, cette chasse primitive est profitable au VO2max de l’attaquant et de l’attaqué [principe scientifique no 1 à l’entraînement : varier le rythme].

Un peu plus loin, tu peux aussi rencontrer le type mulet. Sur une boucle de quinze kilomètres, ce Hulk en puissance peut transporter un sac à dos d’expédition contenant les douze couleurs de cires SWIX, trois tubes de klister [la température pourrait changer drastiquement], deux sandwiches au tofu, un thermos de tisane de blé, un sac de granola de vingt livres sans chocolat [histoire de glycémie quelconque], deux chandails de laine de mouton, le kit de survie du Nord canadien, une boussole et je ne sais trop quoi encore. Facile à identifier celui-là, il défonce les pistes tant en profondeur qu’en largeur avec ses skis de raid. Sauf que là il est au Centre Castor à Valcartier. Tu lui dis  » Salut « , il te répond  » Yo « . Chic type ce mec avec son habit trois pièces Kanuk.

Ensuite viens le recyclé au ski de fond. Facile à reconnaître, il a ressorti ses  » knickers « , ses guêtres, sa tuque à pompon et ses bâtons en bambou avec des paniers de 20 cm de diamètre. Cette catégorie se divise en deux sous-catégories. Le premier, vêtu de cet attirail possède des skis Atomic de l’année et le deuxième à des skis Canadian Tire avec des fixations à trois trous. Cette situation particulièrement cocasse a nécessité beaucoup de réflexion de ma part, vous comprendrez. J’en suis arrivée à la conclusion suivante : le premier est moralement convaincu que son retour au ski est le meilleur choix, mais son budget ne permet qu’une grosse dépense par année. L’an prochain, se dit-il, je serai en lycra comme les pros [il attend la vente de fin de saison sur les habits Louis Garneau -40 % en magasin]; le deuxième s’est dit comme mon grand-père,  » J’ai toujours skié avec ce kit-là, la mode c’est une histoire de matante, ils ne me feront pas changer d’idée « .

Il y a aussi le quelconque Gérard qui, à l’intersection de deux pistes, s’est allumé une cigarette et en profite pour prendre l’air ! Celui-là normalement ne fait pas que te regarder, il te dévisage de la tête aux pieds en t’interpellant [dans sa tête heureusement]  » Salut bébé, quesse-tu fais à soir ? »

L’entraînement continue et comme tout bon skieur, j’ai repéré un krac à cent mètres. Impossible de rester calme, il faut aller le chercher, c’est viscéral, je n’y peux rien. Mis à part les Pierre Harvey et ceux de sa classe que je respecte profondément, je tente ma chance. La course commence, il sait que tu es derrière, contrairement au premier matamore qui ne t’a jamais vu venir ! Il accélère sur le plat, prend de la distance en descente vu son poids [règle de momentum et de gravité], tu reprends du terrain en montée [petit  » frame  » aidant] et là tu y es. Un peu comme à la pêche, tu taquines la truite ! Tu skies dans sa roue, pardon, dans ses traces, proche, proche, question de voir ce qu’il a dans les jambes [je n’ai pas dit… les jambes] et là trois choses peuvent se produire : il bifurque sur une petite piste de côté parce qu’il en peut plus et espère que tu n’iras pas dans cette piste que personne emprunte vraiment, même pas lui normalement. Sinon, il s’arrête pour boire pas pour te laisser passer, non, non… pour boire. Ou bien, il te laisse passer en déblatérant une excuse du genre : je me suis couché tard hier, j’avais un party, on a pas mal fêté, c’est drôle mes skis ne glissent pas aujourd’hui, et une fois sur mille,  » passe, tu skies plus vite que moi « .

Finalement, il y a le type bien [la perle rare]. Celui qui accepte de farter tes skis, de transporter ton équipement à ta voiture, celui qui, à la Saint-Valentin, t’achète un glider fluoré à 100 $. Bien sûr qu’il doit bien y en avoir. Mais où ? J’entends déjà mes collègues masculins me dire que je suis  » androphobe « , pas capable de reconnaître le bon côté des gars. Les femmes pensent que tous les hommes sont des machos. En général, on me dit que les gars reconnaissent et acceptent les filles qui s’entraînent fort et performent bien. C’est vrai, mais pas quand elles sont en avant d’eux. Vous vous imaginez, la fille qui dit à son chum en partant pour une randonnée :  » Chéri, je t’attendrai au chalet après le 30 km, ne tarde pas trop !  »

Que d’aventures ai-je vécues pendant toutes ces années de ski. La recherche du skieur idéal n’est pas terminé messieurs. Je suis certaine que d’autres skieuses auraient quelques  » types  » d’hommes à ajouter à cette liste. D’un autre côté, étant presque parfaite en soi, la gent féminine vous salue et vous souhaite de ne pas trop changer, on ne pourrait plus rigoler autant…

Amicalement, d’une amante de ski.

Mai 1998

Mai
01

50 km + El Niño = Ski, Nagano PQP

50 km + ElNiño= Ski, Nagano PQP par Jacques Dumont

Le 1er mars 1998, la troisième édition du Loppet Mont-Sainte-Anne, près de Québec, attendait ses concurrents et concurrentes. Ce loppet remplace le  » regretté  » loppet du Grand Fond. C’était un loppet en style classique du Camp Mercier au Mont-Sainte-Anne, 65 kilomètres d’interminables montées et descentes dans la Réserve faunique des Laurentides et le Parc du Mont-Sainte-Anne où, année après année, les participants avaient la quasi certitude de prendre le départ par -20 à -22 °C et perdre 80 % de leur fart de prise [généralement du vert spécial] dans une des deux descentes infernales du parcours. Mais voilà, on déboise trop dans ce coin d’arrière-pays et les organisateurs ont dû se résigner à tenir un 50 kilomètres sur les pistes de ski de fond du Mont-Sainte-Anne. Moins pittoresque, moins casse-cou, le nouveau Loppet Mont-Sainte-Anne est différent, mais n’en demeure pas moins une course aux défis intéressants pour les amateurs de longue distance.

Je suis donc parti, la veille, de Hull pour y prendre part, de même que d’autres maîtres-fondeurs de l’Outaouais. Il y avait Yves Deguire, Chantal Métivier, Gilbert Marois, Daniel Girouard et moi-même, inscrits au 50 km classique et puis, Éric Lévesque, Dany Béliveau, François Allaire, Claude Laramé et Yves Lafrenière, inscrits au 25 km libre. Nous nous étions donné rendez-vous au chalet du rang Saint-Julien au Mont-Sainte-Anne. Et El Niño dans tout cela ? Eh bien, après avoir perturbé le Keskinada Loppet, disons qu’il continuait de faire des siennes, car on annonçait un réchauffement des températures inhabituel pour ce coin de pays et ce temps de l’année. Cela n’avait rien pour apaiser notre hantise à tous : le fartage ! Fallait pas le manquer sinon on ne vaudrait pas cher à l’arrivée, d’où l’importance d’essayer les skis et le fartage avant la course. Une fois arrivé au Mont-Sainte-Anne, je pouvais déjà constater les effet d’El Niño : route sur pavé sec, bancs de neige sales et rabougris, inhabituels avant avril-mai au village de Saint-Ferréol-les-Neiges.

J’ai rejoint les copains comme prévu au chalet principal et nous sommes allés faire nos essais. Une seule conclusion s’imposait : fart de glisse au fluor et klister. Mais lesquels ? Voilà la question. Partirions-nous sous 0 °C ou au-dessus ? Mal de tête, multiplié par le nombre de paires de skis qu’on a apportés. Chacun fit son ou ses choix et nous nous mîmes à l’œuvre avant d’aller souper au condo. J’ai opté pour  » Swix F20  » pour la glisse et klister  » Toko orange  » pour la prise. Tout en fartant, chacun allait voir les autres pour se rassurer qu’il n’était pas à côté de la  » track « . J’avais presque terminé lorsque Éric me tendit son contenant de poudre  » Cera-F  » en me disant :  » Tiens, mets ça, c’est ce qui va glisser le plus « . Venant de la part d’un des meilleurs glisseurs au Québec, c’était difficile à mettre en doute. Je m’exécutai et appliquai ensuite de la structure à la base. Tous décidèrent d’attendre au lendemain pour appliquer le fart de prise sauf moi. J’appliquai mon Toko orange, car j’avais peur de manquer de temps avant le départ à 8 heures.

Au condo, nous avalâmes l’incontournable souper de pâtes préparé avec soin par Chantal. N’allez pas croire qu’El Niño nous a rendus  » machos  » ! Mais sur cet aspect de la préparation à la compétition, Chantal est convaincue que l’on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Dodo à 10 heures, réveil à 6 heures. Une bonne nuit; je n’ai entendu personne ronfler et personne ne m’a entendu  » miauler « .

Le matin de la course, El Niño fait encore des siennes : le mercure est au-dessus de 0 °C et il tombe une fine bruine. Les lunettes restèrent dans le sac et je mis ma visière. Sur l’aire adjacente au départ, c’était la frénésie des skieurs et skieuses qui fartaient ou refartaient. Mes skis étaient déjà prêts, je le croyais. Je passai devant la tente Swix où deux  » Messieurs Swix  » donnaient leurs conseils et fartaient les skis de ceux qui le voulaient bien. J’aperçus leur outil à rainurer, un superbe appareil en inox avec deux couteaux cylindriques. Mon petit outil Toko en plastique jaune, avec trois côtés sur quatre de cassés, utilisé la veille, m’apparut tout à coup inadéquat. Je m’empressai de faire rainurer mes skis par le technicien Swix. Soulagement. Je passai ensuite devant la tente Toko où je demandai au  » Monsieur Toko  » quelle était sa recommandation pour la prise. Réponse : klister Toko multigrade -1 -6 recouvert de klister Toko orange. Malheur ! Je n’avais mis que du Toko orange.  » Que dois-je faire, demandai-je ?  »  » Recommence. Prend un bon grattoir et enlève ton orange, mets de la multigrade puis de l’orange. Tu vas voir, ça s’enlève bien.  »

Oui, oui, je me précipitai à la voiture pour prendre mon coffre de fartage, mais rendu là…  » de la M… !, un instant !  » Le bon sens me revint et comme je dis souvent que la première idée est la meilleure, les skis restèrent tels quels mais je glissai un tube de klister rouge dans la poche de mon lycra, au cas où. Je m’échauffai mieux au lieu de refarter.

Et puis, c’est le départ.  » Hum ! Ça dérape un peu. Attendons quelques kilomètres.  » Dans la boucle du camping, ça ne glissait pas, je m’essoufflais. Probablement les conditions de neige molle, un départ trop rapide et surtout un entraînement moins poussé que par les années passées, mais le cerveau disait :  » Maudite poudre ! Ça ne marche pas.  » Puis le second souffle arriva et je me rendis compte que ma glisse était meilleure que la plupart des skieurs de mon peloton. Je dérapais toujours un peu, et à ce moment ça allait, mais je devrais sûrement refarter avant les grandes montées des derniers 25 km. Au 25e km, j’enfilai deux traces de klister rouge sous chaque ski. J’avais perdu des positions mais je les rattrapai vite avec mon nouveau fartage. Puis, El Niño ! Encore ! Avec cette fois-ci de la pluie ! Elle n’arrêtera qu’une heure après la fin de ma course.

Je continuais à remonter des skieurs. À l’approche de l’un deux, je l’entendis qui pestiférait :  » Maudite pluie, maudites lunettes « , puis d’un coup de rage, il lança ses  » Briko  » dans la forêt. Je regardai les lunettes, j’hésitai… trop loin, je perdrai trop de temps à les récupérer, j’ai continué. Il pleuvait de plus belle, mais avec la  » Cera-F  » j’avais une glisse du tonnerre. Merci Éric. Je dû quand même me rendre à l’évidence que je n’avais pas suffisamment de klister rouge, les montées deviendraient plus prononcées et plus difficiles. J’arrêtai une deuxième fois et ne lésinai pas sur le rouge.  » Aie !  » Pendant que j’avais le pouce sur le klister, la première femme me doubla. Il aurait bien fallu cinq à six tubes de rouge pour coller par terre mon orgueil. Je l’ai vite rattrapée, ainsi que tous les autres skieurs qui auraient dû, comme moi, perdre cinq minutes et refarter. Je skiais alors à mon meilleur et l’énergie ne manquait pas. Les dernières montées apparurent interminables. Un dernier coup de cœur pour franchir les derniers kilomètres, et voilà : 3 h 30 min 43 s, mais pas de spectateurs pour encourager ou applaudir, à cause d’El Niño. J’étais trempé mais satisfait.

Après avoir enfilé des vêtements secs, pris un bon repas, s’être raconté, chacun, entre amis les hauts faits de notre course, le dégommage des skis s’imposa avant de les ranger dans l’auto pour le retour. À bien y penser, du Klister rouge recouvert de klister argenté, ça aurait été parfait. Au prochain rendez-vous avec El Niño.

Mai 1998

Mai
01

Le plus beau ski sur terre : le ski sur le fleuve

Le plus beau ski sur terre : le ski sur le fleuve par André Mercier

J’écris un peu au passé et je compose avec la nostalgie, car cette saison je n’ai pu pratiquer ma folie, pas de bonne glace dans mes fenêtres de disponibilités. Zut ! Le souvenir me remonte comme signe, j’ai hâte à l’hiver.

Vous n’avez pas la glisse triste, vous aimez le plaisir, la beauté, l’insolite et la neige transformée — celle qui glisse tout le temps —. Alors, je vous emmène sur la batture puis on descendra sur le fleuve, si les dieux le veulent, à un pas [de patin] du paradis. C’est mon fleuve et le vôtre si vous me suivez.

Les conditions

On est à la fin de l’hiver, après la grande marée de février ou le lendemain d’un redoux. Le terrain aura été bien préparé par l’eau qui remonte à la surface et gèle. Le soleil transforme plus rapidement la glace qui n’est jamais blanche. Le vent l’assèche. La neige nouvelle n’est pas bienvenue : ça freine et ça cache les fractures, surtout celles de la grève qu’il faut surveiller attentivement pour ne pas y mettre un ski, un bâton ou quoi d’autre ? Il doit avoir gelé la nuit, sinon on reste à la maison à rêver ou on va skier ailleurs. Pas de soleil, c’est mieux. Le plaisir dure plus longtemps, mais c’est moins joli. Le vent ? Question de goût et de température. Il procure des sensations fortes, on va vite, on va loin mais il faut revenir ou bien on profite d’une navette organisée [forfait possible sur la Côte-du-Sud] ou celle d’ami(e)s qui se sacrifient pour vous ramener. Le vent, moi je préfère l’affronter, vous aussi n’est-ce pas ? Dans le dos ou dans le nez, c’est toujours un monde de sensations fortes. Soleil et vent fort font un dur mélange et il faut se protéger de l’un comme de l’autre.

La glace, notre plaisir, présente aussi des imprévus qu’il faut constamment surveiller : fractures, irrégularités de la surface, taches de boue remontée de l’enfer, eau libre de fonte ou celle du fleuve. Il faut toujours être prêt à virer au dernier moment : freiner ça prend trop de temps. Les grosses fractures se traversent à angle fort pour éviter les surprises. Sur la batture, il y en a dans tous les sens. Elles se forment, s’ouvrent et se ferment au gré des marées toujours plus grandes et plus nombreuses à mesure que la saison avance. Les éviter et les négocier devient un sport grisant.

Où aller

J’exerce surtout sur le chenal de l’Île d’Orléans, entre Sainte-Pétronille et Château-Richer. Ailleurs, le fleuve ne gèle pas ou on ouvre le chenal pour la navigation. Reste les grandes anses près de chez-vous, Côte-du-Sud jusqu’à Saint-Roch-des-Aulnaies [dans Bellechasse surtout]* et de Cap-Rouge à Neuville sur la rive nord à l’ouest de la Vieille capitale.

Quand les conditions sont bonnes, je contourne l’île, passe au sud et je descends vers l’inaccessible quai de Sainte-Pétronille. Ou je traverse au nord, une pointe sur la baie de Beauport. Attention à la rivière, à toutes les rivières : c’est chaud ! Mais le sommet de toute cette  » planitude  » c’est d’aller manger son lunch aux Battures des Îlets, au milieu de cette blancheur argentée [un kilomètre avant l’église de Château-Richer]. Un plaisir inconnu ailleurs, la ligne droite, droite comme ça droite de même aussi, vous me suivez ? Dès que je vois, au loin, le point noir de l’îlot rocheux, je m’aligne pour dix kilomètres de plaisirs. Puis, rassasié, je reviens en longeant ce que j’appelle la  » ligne d’eau « , c’est tout juste en bas de l’estran, la ligne des basses-eaux en fait.

Au gré des marées

Vous me suivez toujours ? Vous pouvez passer devant, mais attention de vous mouiller : la ligne d’eau porte son nom… Il m’arrive à chaque saison de faire du ski aquatique pour remonter sur la batture. À l’occasion, surprise ! Le soleil, la marée, la ligne d’eau n’est plus franchissable sans se mouiller les skis… où avais-je donc la tête ?

Pour patiner sur ces glaces, il faut connaître son fleuve, ses battures et surtout ses marées. Guide indispensable : les  » Tables des marées  » de l’année [Pêches et Océans Canada, 6,50 $, chez votre libraire préféré]. On choisit les jours autour des mortes-eaux, pas trop haute la marée et surtout descendante. En période de vives-eaux, le flot [la marée montante] est à éviter totalement. Vous n’y reconnaîtriez plus votre batture ni les mordantes surprises qu’elle vous réserve. Le flot envahit la grève sous la glace qui bouge, qui flotte et s’amollit. Il faut remonter vers le haut de la batture. Mais le ski y sera moins bon.

Les eaux vives durent quelques jours à la pleine lune et à la nouvelle lune. Les mortes-eaux sont la période des faibles marées hautes, lorsque la lune est en quartiers. À Québec, en saison de ski sur le fleuve, les marées hautes ont de douze à treize pieds. Elles oscillent comme ça aux deux semaines.

La carte marine de l’endroit permet de bien connaître sa batture, les haut-fonds du chenal, les amers pour se repérer et même les boulders… Au Service hydrographique du Canada, elles sont disponibles chez des marchands d’équipement et de fournitures de bateaux, comme les Tables des marées.

Vous me suivez toujours ? C’est bien. On fait une pause. Imaginez un boulder languissant sur la grève à marée basse, se chauffant au soleil. Le froid venu, la glace se forme et à marée haute le recouvre puis comme prévu selon les tables, elle se retire. La glace se casse sur sa tête deux fois par jour et à la fin de l’hiver, elle forme une chose des plus étranges : un cratère de glace, un cône proéminent à marée basse qui s’aplatit complètement à marée haute. S’il est ouvert, le cône montre dans son intérieur des  » boulettes  » géantes de glace brunâtre. Avec le bouillonnement des marées, ces blocs de glace brisés se frottent les coins, s’usent, s’arrondissent, regèlent et se  » refrottent  » pour former balles et ballons de glace lustrée. J’aime aller voir ce vivant ragoût, écouter le glouglou de l’eau qui monte et l’entrechoquement des boulettes. Et même que des fois ça sent la grève.

Revenons se serrer contre ma  » ligne d’eau « . La piste est balisée et entretenue par dame nature. Elle suit le chenal et les accidents de la batture. La ligne est à son plus beau un peu avant que le chenal ne se libère de ses glaces. L’alternance d’eau et de glace marque la plus importante cassure sur le fleuve. Glace ou eau, elle est verte, bleue, grise, ça dépend du soleil ou de l’eau; eau de fonte ou celle qui sourd de l’enfer.

À l’occasion, le plus beau : de gros blocs de glace sont retournés à la verticale et montrent des couleurs d’un bleu-vert à ravir. Plus rarement, il y a une plaque de glace jumelle. Quel plaisir alors de se laisser couler entre les deux murailles de glace qui vous arrivent presqu’aux épaules. Ces lagunes glacées sont toujours des culs-de-sac pour skieurs. Une conversion et on quitte ce petit éden de cristal.

L’équipement

Ne pensez pas aller dans ces lieux autrement qu’en ski de patin. C’est souvent loin et dangereux comme toutes les contrées attirantes et insolites. J’ai choisi mes skis longs, mous et avec de grandes spatules bien dressées vers le ciel, question de mettre les dieux du ski de mon bord. Ils doivent être longs pour la stabilité et la sécurité, car la glace est bosselée, changeante et, à l’occasion, avec des sauts brusques et autres imprévus topographiques. J’ai appris le pas de patin sur le fleuve; vous pouvez imaginer mon style… Puis, j’ai eu de vrais skis de patin et je les ai souvent amenés à la batture, désolant. Je retournais toujours changer les lattes. Des longues, c’est plus sûr et je me sens meilleur. Mous quand la piste est dure ? Vous avez raison, ça ne va pas, mais je dois aussi revenir, le soleil tape fort, la température monte, la glace ramollie vite et je ralentis. Une chance, mes skis sont mous. La glace finit toujours par ramollir… désolé.

Les bâtons : courts pour un patineur [87-90 % de sa taille], courts pour des manœuvres rapides et courts pour les mettre moins souvent dans les ouvertures de la glace. Des pointes bien acérées et des bâtons pas trop cassants sont de mise.

Le monde des sons

La belle glisse facile c’est bien, très bien, des paysages lunaires, ça ajoute. Mais ce n’est pas tout, il y a les sons. D’abord, l’omniprésence du crépitement sous les skis, sauf quand ça deviendra trop mou. Ensuite, ce qui à tout moment vous surprendra en train de rêvasser : le bruit sec des fausses glaces qui s’effondrent. D’abord intriguantes, elles vous attirent, un petit coup de bâton pour vérifier, vous déclenchez l’effondrement d’une mince couche de glace fragile et cassante : des sons cristallins. On apprend à les connaître, on sait les reconnaître, puis on finit par oser se jeter dans ces lacs asséchés et provoquer la chute de la fine couverture de verre.

La batture est un monde de glaces vivantes : les plaques s’élèvent ou s’abaissent avec la marée et font des bruits sourds ou secs. Autour de zéro, le monde sonore bascule.

Du glouglou au sifflement strident de l’eau que le flot presse à travers les fractures de la glace, ce sont les sens et le plaisir qui vous glissent vers le paradis. Ou, c’est la clameur du vent qui vous rend saoul et emporte tous les autres sons de la batture.

*  » En ski sur la plage « , B. Simard, L’Actualité, 15 mars 1995.

Mai 1998

Mai
01

Ski de fond de mes sens

Ski de fond de mes sens par Benoît Roy

Le ski de fond m’envoûte de ses sensations d’une technique maîtrisée un instant trop court, mais perfectible à l’infini.

J’aime le ski de fond parce qu’il me révèle à moi-même. Il soude mon esprit à mon corps. Il me fait connaître la froidure du vent qui heurte mon visage et transit mes membres. Il fait cohabiter la chaleur qui monte en moi et le vent qui m’enveloppe. Il me procure cette sensation qu’éprouvent mes mains glacées quand la bienfaisante ondée de sang envahit bientôt mes doigts. Je sais apprécier les sueurs de l’effort qui narguent le froid qui me guette et m’espionne.

Le ski de fond m’amène aussi dans des royaumes de cristaux et de brillance. Soleil qui m’éblouit et m’inonde de reflets allongeant les formes au fil des heures. Ombrage de mon corps, compagne de mes randonnées solitaires. Mes yeux sont gavés d’alternance de lumière et d’ombre. Les pistes encore fraîches qui traversent ce lac ou se faufilent entre les arbres interrogent ma curiosité. Ici la neige vierge du jour qui se lève laisse deviner les ébats du lièvre qui m’observe depuis son repère sous le sapinage. Charme du chant des oiseaux qui se font si discrets que leur présence passe presque inaperçue en ce temps de l’année. Sentiment de tristesse qui m’envahit quand je quitte la nature que j’ai partagée quelques instants avec cette faune qui s’apprête déjà à se blottir dans son refuge nocturne. Résineux aux branches qui ploient sous le charme de la neige mais qui savent imposer fièrement leur verdure. Délicats flocons aux dentelles variées. Je me délecte des rayons du soleil qui signale sa chaleur timide dans mon dos et sur mes jambes. Caresses de ce vent sensuel du printemps qui annonce la fin de mon évasion. Le soleil printanier s’est allié à la neige métamorphosée pour accueillir ces minuscules araignées, annonciatrices d’un hiver qui agonise déjà. Le reflet brillant de la piste tôlée me révèle que l’humidité de l’air s’est mariée à la neige. Toutes ces images qui m’habitent et qui défilent en des paysages de lumière, de vallons et de plaines se cristallisent dans mes rêves.

Ski de fond qui m’enivre de descentes négociées avec aisance et fierté. Peur viscérale des pentes abruptes et aux virages inattendus. Longues montées prometteuses de descentes euphoriques et de vitesse folle. Ski de fond qui m’envoûte de ses sensations d’une technique maîtrisée un instant trop court, mais perfectible à l’infini. Beauté du geste dynamique, élégant et presque sans effort. Gaucherie et maladresse du débutant. Geste embryonnaire mais si prometteur de ces tout-petits, impatients qu’ils sont de laisser leurs traces dans celles des aînés. Sérénité et lenteur édifiantes des sages qui se font les complices de cette nature toute blanche, comme eux. Passage du skieur incognito qui me double et m’ignore. Heureux moments de silence et de recueillement à l’unisson de mes enjambées avec mon ami l’hiver.

Le ski de fond m’a appris à me complaire dans l’aérobie délicieuse, cette ivresse de l’équilibre homéostatique où le corps et l’esprit sont à l’unisson. Univers spartiate de l’anaérobie où se confrontent le désir de dépassement et la douleur de l’engagement ultime. Goût amer et âcre dans la gorge et dans les bronches quand on touche la crête de ses limites.

L’atmosphère euphorique de la salle de fartage dans les instants qui précèdent le départ me fait vibrer du rêve caressé et de l’espérance de liberté. Odeur de paraffine et de résine chauffées : promesse olfactive de l’heureuse chimie où adhérence et glissement se marient à la structure des cristaux en perpétuelle métamorphose.

Souvenirs embrouillés d’un hiver qui se confond dans un printemps naissant, où ce qui fut jadis flocon se résorbe et se dissout dans des ruisseaux mélodieux : cycle inlassable des saisons sans cesse renouvelées.

Mai 1998

 

Mai
01

Qui veut, patine..

Qui veut, patine.. par Richard Whelan

Il est quatre heures de l’après-midi sur les Plaines d’Abraham et le soleil se couche. Un skieur patine et avance allégrement. Ses gestes sont longs et fluides, donnant une impression de facilité, de mouvement sans effort. Il est suivi d’un deuxième skieur qui, bien qu’il patine lui aussi, avance péniblement. Son souffle est laborieux, ses gestes plus rigides, son coup de patin court et trop fréquent. Le premier skieur m’est inconnu, le deuxième, un peu moins, puisque c’est moi. Ou plutôt, c’était moi, puisque je m’approche petit à petit du style de ce premier, maintes fois observé chez d’autres skieurs bien plus rapides et plus expérimentés que moi.

À mes débuts en ski de patin, il y a de cela trois ans, j’avançais de peine et de misère et puis, après quelques minutes, j’arrêtais de peur de voir mon cœur sortir de sa cage. Étant très cardio-vasculaire, le ski de patin pardonnait mal l’inefficacité de mes gestes, un manque que j’essaie de corriger depuis l’année passée.

L’apprentissage a commencé il y a deux hivers, sur les Plaines d’Abraham, où se tenaient des cours de débutants offerts par les Amis des Plaines et animés par Léon Simard. Ce dernier, illustre président de notre association et vrai mordu de ce patinage sur neige, a acquis ses lettres de noblesse en participant à de nombreuses courses, en donnant maints ateliers et en dévorant Dieu-ne-sait combien de vidéocassettes norvégiennes [de ski de fond, voyons]. Les leçons auxquelles j’ai participé étaient bien, et même très bien, et pour la première fois depuis que j’ai arrêté de jouer au soccer, je sentais naître en moi une nouvelle passion sportive. Ainsi, voulant continuer cet apprentissage si stimulant, j’ai demandé à Léon s’il était possible de mettre sur pied un premier cours de niveau intermédiaire.

Il a suffit de quelques préparatifs et de plusieurs appels téléphoniques et le tour était joué. Huit mois plus tard, un mercredi soir de décembre, nous étions quinze à nous réunir sur les Plaines. Le cours, qui allouait un tiers du temps à l’apprentissage et deux tiers à l’entraînement, a réuni des adeptes avertis et déjà en bonne forme. D’ailleurs, j’étais très heureux de constater que quelques aînés comptaient parmi les plus en forme de notre groupe, ce qui ne manque jamais de m’encourager pour mes vieux jours.

Au cours des dix leçons hebdomadaires d’une heure et demie, nous avons pratiqué toute la gamme des pas principaux de ce sport de popularité grandissante, à savoir l’amblé, le diagonal, le un-pas, le deux-pas, le déphasé, le pas marathon, le pas libre [sans bâtons] et le triple boucle piquée [toujours sans bâtons]. Léon, qui prenait encore plus de plaisir que nous durant ces cours, ajoutait du piment aux réchauffements et aux petites pauses en nous faisant faire des exercices d’habileté. D’ailleurs, pour passer à l’histoire, nous nous sommes amusés à inventer une nouvelle discipline olympique, un genre d’hybride entre le rugby et le handball, sans contact afin d’éviter des bris d’équipement désagréables et coûteux. Verra-t-on peut-être un jour à la télévision des pages de notre histoire relatant les premiers moments d’un nouveau sport national, le  » skirughand  » ? Ça sonne assez scandinave, n’est-ce pas ?

Afin de nous offrir de nouveaux défis, Léon nous a donné rendez-vous à la pente école du centre de ski Le Relais pour nous permettre d’améliorer nos techniques de descente. Il nous en a fait pratiquer de toutes sortes : dérapage de côté, chasse-neige, chasse-neige à l’envers [ma préférée, parce que ça me ressemble], télémark et petits virages rapides et successifs, comme on a vu chez Daehlie et ses confrères à Nagano. Du vrai sport quoi ?

Les cours ont pris fin il y a quelques semaines et déjà plus de la moitié du groupe s’est inscrite pour l’an prochain. Ce qui va de soi, puisqu’il a été si agréable de partager l’apprentissage, le rire et l’effort au beau milieu de la semaine. Il reste encore de la place pour des nouveaux venus. Alors, si la formule vous intéresse, contactez-nous.

Au plaisir,

Mai 1998

Mai
01

Camp des maîtres 1997

Camp des maîtres 1997 par Paul Junique

Cette année, pas de stress pour l’enneigement. Les premiers flocons, tombés en mi-novembre, sont toujours au sol et les skis ont déjà plusieurs sorties sous la semelle. C’est donc optimiste et confiant que j’ai rejoins la Forêt Montmorency pour la nouvelle édition du Camp des maîtres.

Comme tous les ans, Michel [Bédard] et Léon [Simard] sont à l’accueil et en quelques secondes me voilà replongé dans le monde des maîtres, des amis et des sourires. Le temps de débarquer mon matériel, de trouver notre chambre, d’embrasser Carole et je suis dans les couloirs à la rencontre des derniers potins :

• Les pistes sont très bien tracées [le traceur de pistes] ;
• Les maîtres ont tous un an de plus [Roland Michaud] ;
• Monsieur Toko n’est pas là [Monsieur Swix] ;
• Jacques Houde en est à son troisième massage [Michel Labelle] ;
• Michel Labelle en est à son quatrième massage [Jacques Houde] ;
• Je rajeunis à vue d’œil [Carole] ;
• Le bar est fermé [Fred — je conserve son anonymat —].

Je voulais m’inscrire au cours de déphasé pour redoublant, mais il ne se donne pas cette année. Par contre, quel ne fut pas mon étonnement en voyant le nom d’Alfred [Fortier] au sommet d’une feuille sur laquelle on invitait les maîtres à un rendez-vous au terrain de balle molle. Les idées les plus folles m’ont assailli.

• Fred enseigne-t-il un nouveau sport ? Impossible, on ne peut pas frapper une balle avec un bâton de ski, c’est trop fragile. Et si on frappait avec un ski ? Peu probable à cause du fartage.
• Et si le frappeur était normal, mais le coureur était en ski ? Impossible, la neige cacherait les coussins.
• Peut-être que le lanceur lance des skis ? Peu probable, les gants ne sont pas adaptés à ce genre de projectiles.
• À moins qu’Alfred n’organise une bataille de boules de neige ?
• Et si le Botticelli du offset voulait devenir le Baeb Ruth du déphasé ?

En tous cas, j’ai mal dormi à cause de ces interrogations, des douches trop proches, des va-et-viens dans le couloir et de l’excitation de revoir les amis dans quelques heures.

7 heures. Debout. Visite à la toilette pour rencontrer les plus matinaux et, enfin, le moment le plus attendu : le petit déjeuner. Je rentre à la cafétéria sous le sourire contagieux de Pierre [Bolduc] et Serge [Mathieu]. Les têtes ont un peu blanchi, les rides ont légèrement augmenté, mais le thermomètre est toujours au beau fixe. C’est réconfortant de retrouver les amis de l’hiver.

Pour suivre les conseils de Pierrette [Bergeron], j’ai pris huit tranches de bacon sans mauvais gras, quatre œufs sans cholestérol, trois muffins sans confiture, deux croissants sans protéines, trois crêpes sans poudre à pâte, deux cafés sans sucre, deux sucres sans café et un plateau assez grand pour y poser tout ça.

Le marathon annuel de discussions sur les conditions de fartage a commencé.  » To wax or not to wax « , telle est la question. Je choisis de farter. Non par amour du fartage, mais si je fais du classique le matin, je fais du patin l’après-midi. Ça me permet de ne pas farter après manger, donc de gagner du temps et de revenir plus tôt pour avoir de l’eau chaude sous la douche. C’est de mon dernier cours de fartage que j’ai retenu cette tactique.

Avant d’aller exhiber mon style sur les pistes, je me suis caché près du terrain de balle molle pour observer Alfred et les déphasés. Pas de monticule, pas de marbre, pas d’arbitre, pas de coussins. Uniquement un Alfred évoluant gracieusement pour démontrer à un auditoire attentif l’art du déphasé. Rassuré sur l’utilisation du terrain de balle molle, j’ai glissé vers les pistes.

Un aller sans bâton, un retour uniquement avec les bâtons, un aller avec le club IMCO [célèbre club de maîtres de Montréal], un retour avec le ventre vide. Il faut rentrer refaire le plein de Joules [on utilise plus le mot  » calorie  » depuis 1976].

Le midi, je mange légèrement pour ne pas somnoler après le repas. Par contre, je dépense beaucoup d’énergie pour saluer tous les amis et un dessert supplémentaire ne nuira pas. Alors j’avale un quatrième morceau de gâteau et je repars, en patin cette fois.

Avec Martin [Massicotte] et Marc [Cominiuk], on a grimpé deux fois la montée des Cascades, pour être certain qu’il faut bien deux minutes pour la redescendre. Au retour, j’ai accéléré pour avoir de l’eau chaude. Pas assez… j’ai ouvert le robinet deux douches trop tard.

Quelques étirements sur mes vieux tendons m’occupent jusqu’au souper.

J’ai choisi une soupe, un steak végétarien, un dessert et un verre de lait pour goûter. Comme c’était bien bon j’ai repris deux autres plateaux et j’ai couru à l’atelier de fartage. J’y vais tous les ans pour rester à la fine pointe de la technologie de la glisse.

C’est Côme [Desrochers] qui nous a tout expliqué. Cette année, il n’y a pas beaucoup de nouveautés. Les manufacturiers ont augmenté les prix du matériel de l’an passé pour donner l’impression que l’évolution se poursuit. On peut noter cependant quelques points intéressants.

• Chez Start : l’ensemble Black Magic. Tellement révolutionnaire qu’il n’est pas encore disponible.
• Chez Toko : un nouveau Streamline, plus performant, plus blanc, plus pur et plus cher que l’ancien. Ne l’achetez pas; l’an prochain il sera remplacé par un nouveau Streamline, plus performant, plus blanc, plus pur et plus cher.
• Chez Swix : les emballages ont changé, les prix aussi.
• Chez Briko : rien n’a changé, mais les noms des produits ont été améliorés.

Réconforté de me sentir à jour côté semelles, j’ai regagné mon lit pour un peu de lecture, beaucoup d’intimité avec Carole et un gros dodo. Mon sommeil a été perturbé par de nombreuses questions qui restent sans réponses dans tous les ateliers de fartage.

• Le ski servant pour la démonstration est toujours gratté à moitié. Qui gratte l’autre moitié ?
• Ce même ski est passé au Céra F ou au Streamline sur 15 centimètres environ. Est-ce que la glisse des 185 autres centimètres est améliorée ?
• Est-ce qu’une brosse à chaussures en crin de cheval fait le même travail qu’une brosse à farter en crin de cheval ?
• Est-ce qu’il y a des farteuses dans les équipes nationales ?

Réveillé à 7 heures par un bruit de douche chaude, je me précipite à la cafétéria pour engouffrer mes œufs-bacon quotidiens. Deux tasses de café plus tard, je sors pour skier avec Aloïs [je vais encore me tromper dans l’orthographe] et Sarto [Chouinard].

Les ateliers occupent la majorité des maîtres qui studieusement, se promènent sur un ski sans bâtons, sur deux skis sans bâtons, sur un ski avec un bâton, sur deux skis avec un bâton… les exercices ne manquent pas dans le cerveau de Réjean [Charbonneau] et de Carmen [Archambault].

Midi. Drapeau jaune. Il faut rentrer au puits de ravitaillement.

L’après-midi, les bras fatiguent un peu et je décide de rentrer prendre une douche froide et un petit repos avant le souper et le salon du ski.

Ce salon gagne en popularité, je vous en donne les principaux attraits :

• La compagnie Fisher a délégué un nouveau représentant : FisherMan [Fortier]. C’est un spécialiste des caps skis et des capsules de bières.
• Chez Rossignol : le jaune du cosmétique s’harmonise toujours avec la veste de Jacques [Fecteau].
• Benoît [Létourneau] vous propose un logiciel d’entraînement. Ce n’est ni un appareil qui s’entraîne à votre place, ni une nouvelle méthode pour souffrir. C’est simplement un carnet d’entraînement comme on en avait avant, mais ça fonctionne avec un ordinateur au lieu d’un crayon.
• La famille Keskinada au complet est là pour vous inscrire à la troisième édition, celle de l’hiver prochain. C’est moins cher que la Translaurentienne et c’est plus long; une véritable aubaine.
• Le Marathon canadien affiche les 170 km de son parcours. De quoi inciter les participants à prendre le bus pour aller de Gatineau à La Chute.
• Les boissons revitalisantes au chocolat sont toujours aussi bonnes.

La remise des trophées de la saison 1996-1997 est émouvante, surtout quand ont voit les maîtres les plus âgés médaille au cou et sourire aux lèvres. Ça donne envie d’être maître pour encore longtemps. Et puis, il y a eu le tirage des prix. J’ai gagné deux heures d’entraînement supplémentaires avec Denis [St-Amand]. Carole a gagné des lunettes Swix. Ça me fait une idée de cadeau de Noël en moins… Marie a gagné des souliers pour Réjean.

Enfin, l’ouverture du bar vin et fromage de Gaston [l’œnologue]. Depuis plusieurs années, les mots me manquent pour décrire les breuvages de Gaston. Cette année encore je suis incapable de vous transcrire sur papier les sensations ressenties sur papilles. Je n’ai pas été malade, j’ai oublié une partie de la soirée, j’ai rejoins la bonne chambre et j’ai bien dormi.

Dernier réveil entouré d’amis. On sent déjà le stress du départ. Je parle du départ de la course organisée par Côme pour ceux qui ont envie de mesurer leur cardio. Moi, je vais faire spectateur, ça me changera. Ce fut une belle course. Je n’y ai pas assisté, je me suis égaré sur une piste pas tracée. Les commentaires furent élogieux : il reste encore des maîtres capables de foncer et de se défoncer. Bravo à tous, vous méritez le dessert de midi.

Je passe toujours assez vite sur les derniers moments, je ne suis pas très fort sur les bye-bye. Alors, terminez votre repas, rangez votre matériel et attention sur la route.

Main dans la main, Carole et moi avons repris le chemin de la ville. On est heureux, on va vous revoir cet hiver.

1998-05

Mai
01

Comment se mettre en forme sans se sentir seul, sans s’ennuyer et sans avoir faim!

Comment se mettre en forme sans se sentir seul, sans s’ennuyer et sans avoir faim ! par Birte Svatun

[traduit de l’anglais par Louise Poirier]

Je viens de Télémark en Norvège. L’automne dernier, quand j’ai regardé attentivement le programme d’entraînement des maîtres en ski de fond de la Norvège, je me suis franchement mise à bailler. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de massage ? Où sont les séances d’étirement supervisées en groupe avec musique ? Et surtout, vais-je pouvoir manger du saumon pour dîner accompagné d’une bonne bouteille de vin ? Perdue dans mes rêveries, je me suis mise à faire tourner le globe terrestre à côté de moi quand, tout à coup, un nom s’est mis à scintiller en plein cœur du Québec : la Forêt Montmorency !

Je n’exagère pas. Ce camp d’entraînement est l’un des plus beaux moments de ma vie. Tout cela à cause du mélange parfait de plaisir, de travail intense et d’expertise. Les Québécois sont définitivement un peuple plus sociable que les Norvégiens. Par exemple, j’ai vu des femmes de 40 ans couchées dans la neige tordues de rire, ce qui aurait été un comportement inacceptable pour des Norvégiennes de 30 ans !

De retour dans mon pays, j’ai donc pris une grande décision : suivre des cours de français. De cette façon, André Filion et mes autres instructeurs n’auront plus besoin de passer leur temps à tout traduire en anglais pour moi quand je reviendrai. Et le reste du groupe n’aura plus besoin d’attendre en grelottant… De toute façon, je ne pouvais dire correctement que la phrase  » J’aime le Québec « . Cela ne me sera vraiment pas suffisant pour les voyages que je projette aussi en… France.

Le troisième week-end de mars est toujours celui durant lequel se tient la Birkebeiner en Norvège à Lillehammer avec plus de 9 000 participants âgés de 16 à 80 ans ou plus. J’espère que vous viendrez me voir nombreux en l’an 2 000.

Merci de m’avoir adoptée comme vous l’avez fait.

Avec tout mon amour, la Norvégienne de passage au Québec.

Mai 1998

Mai
01

Forca Canada, forca Québec!

 » Forca Canada, forca Québec !  » par Louise Poirier

C’est grâce à ce cri que m’ont lancé des centaines d’Italiens et d’Italiennes que j’ai pu compléter le 63 km en pas de patin de la Marcialonga en janvier dernier. Soixante-trois kilomètres de pistes enneigées, de la neige crachée par des canons à neige ou transportée par des camions; cet hiver en était un autre trop doux et trop sec. Soixante-trois kilomètres d’un étroit ruban blanc traversant une quinzaine de villages en fête pour l’occasion. Cinq mille participants glissant sur ce tapis bien damé au cœur des abruptes montagnes du nord-est de l’Italie, les Dolomites. Quelle expérience !

C’est le 25e anniversaire qui m’a attiré à la Marcialonga avec Claude Laramée, un autre organisateur de la Keskinada Loppet dans le parc de la Gatineau, à Hull. Pendant ce temps, Jean-Arthur Tremblay, un autre ami skieur du Saguenay, ratait son voyage, mobilisé pour reconstruire le réseau d’électricité de Hydro-Québec foudroyé par les pluies verglaçantes.

Nous avons pris un vol jusqu’à Munich, puis le train jusqu’à Bolzano, une vallée de vignobles. Ensuite, nos amis italiens sont venus nous chercher en bus et nous ont fait grimper sur ce plateau montagneux de la vallée de Val di Fiemme où les sports d’hiver sont rois : saut à ski, ski alpin, surf des neiges, biathlon, ski de fond, luge… Un petit paradis avec les meilleurs spaghettis carbonara au monde arrosé d’un bon rouge inoubliable, le Pino nero.

Le matin de la course, il faisait un beau soleil et -5° C. La course commence par un coude à coude particulièrement coloré pour se faufiler vivant avec son équipement dans la foule des skieurs. Un  » gracie  » [merci] ici, un  » basta  » [c’est assez] par là et voilà les dix-sept premiers kilomètres en montée de franchis. Le parcours devient plus facile et le cordon de skieurs commence un peu à s’étioler. On fait la file dans les montées et dans les descentes en traversant un village entre ses murs anciens, un à la fois. Les carabiniers estampent nos dossards au point de contrôle. J’entends d’autres  » Forca Canada, forca Québec  » comme s’ils saluaient de leur parent immigré de Montréal ou Toronto. Au poste de ravitaillement, j’engouffre un peu de thé chaud et sucré, quelques prunes sèches et pas question de goûter à cet alcool du pays si je veux finir la course. Et hop, un sourire aux caméras de télévision qui présentent en direct cette course grandiose regardée par six millions de téléspectateurs.

Si un jour vous y allez, rappelez-vous ceci : il faut garder de l’énergie pour les trois derniers kilomètres crève-cœur qui montent en serpentin de la vallée au village de Cavalese. L’enfer ! Mais la foule est là autant pour nous voir pâtir que pour nous encourager dans ce sprint final. Le russe Mikahil Botvinov gagne la Marcia en 2 h 28 min 31 s, l’italienne Guidina Dal Sasso en 2 h 48 min 43 s, Claude Laramée est très heureux de son 4 h 19 min 33 s [1 342e et moi de mon 5 h 11 min 40 s [2 199e sur 4 274 finissants]. Le dernier skieur aura complété le parcours en 7 h 30 min, pas mal pour un maître de 71 ans !

Chère Marcialonga, je ne t’oublierai jamais et qui sait peut-être qu’un jour je pourrai franchir ton parcours complet de 70 km écourté cette année à cause du manque de neige. De t’avoir rendu visite me fait dire, une fois de plus, que participer à une course du circuit Worldloppet, c’est un rêve qu’il ne faut pas attendre trop tard pour réaliser, que ce soit en Europe, en Australie, en Asie ou en Amérique. L’an prochain, j’irai probablement fêter le 75e anniversaire de la Vasaloppet en Suède : 90 km en classique. Vous venez ?

Mai 1998

Mai
01

L’entraînement miracle?

L’entraînement miracle ? par Guy Thibault, Ph.D.

NDLR : L’éditeur de L’Écho des maîtres, André Filion, prend l’initiative de publier le verbatim d’une conversation entre Guy Thibault et son bon copain Réjean Fournier, enregistrée à leur insu sur cassette audio par le président de l’AMSFQ, Léon Simard, alors qu’incognito il prenait son  » p’tit dèj’  » au Krieghoff, bien tapis derrière ses lunettes soleil (ce qui ne contraste pas du tout dans la faune bigarrée des habitués de ce café de la rue Cartier).

– Eh Guy ! Ça va ? T’es un habitué du Krieg ? Ton fameux livre avec Pierre Harvey et Pierrette est finalement sorti ? Peut m’asseoir là ?

– Euh, dans l’ordre : Pas mal merci; Oui, meilleur café au monde, j’ai bien dit au monde; Oui, à Pâques — deux semaines en première position des  » best sellers  » selon La Presse; pas peu fiers — et… Oui assied toi; content d’te voir. Et toi, ça va ?

– Qu’est-ce que tu griffonnes sur ton bout de papier ?

– Ah ! Rien. Juste l’entraînement miracle.

– Ton fameux  » intervalles courts  » ?

– Ouais. Tu le sais, je le recommande souvent. Mais je l’ai jamais bien expliqué. Alors, je me creuse la nénette pour trouver une façon originale. Histoire de rendre la théorie moins sèche.

– …

– Je l’ai fait faire cet hiver en version  » pros de la bécane  » à une couple de gars de l’équipe GAN — Boardman, Moncassin, … —, via leur coach Denis Roux. À part un surentraînement transitoire en début de saison pour monsieur Superman, ça marche fort. Comme avec Clara Hughes avant ses deux médailles à Atlanta.

– Toujours la même formule ? Des séries de 10 minutes d’alternance d’efforts de 15 secondes entrecoupés de périodes de récupération active de 30 secondes ?

– À peu près, oui. De c’temps là, en fait, j’essaie surtout le  » trois fois 15 minutes de « 15 secondes vite — 15 secondes lent » « .

– Le  » 15 vite  » revient pas mal vite ! Non ?

– La formule  » 15-30  » c’est rien qu’une des nombreuses formes d’entraîne-ments par intervalles courts. Gerschler, le gars qui y a pensé le premier [un Allemand], dit qu’il faut faire des fractions d’effort de 15 secondes ou moins, entrecoupées de périodes de récupération dont la durée est égale ou jusqu’à deux fois plus longues.

– Donc  » 10-10  » jusqu’à  » 10-20  » ou  » 15-15  » jusqu’à  » 15-30  » ?

– Oui. Ça paraît que t’enseignes les mathématiques.

– Ça c’est du calcul, Guy. Les mathématiques c’est pas aussi simple, d’habitude.

– En fait, ça peut être du  » 12-12 « , ou du  » 12-24  » si tu préfères. L’idée c’est que tant que tu restes dans la limite du  » 15 secondes ou moins  » et du temps de récupération égal jusqu’au double, t’es OK.

– Mais toi, c’est la formule  » 15-15  » que tu préfères ?

– Oui. Évidemment tu travailles pas aussi fort avec du  » 15-15  » qu’avec du  » 15-30  » : t’as moins de temps pour récupérer. Mais tu ne travailles pas beaucoup moins fort et, en compensation, tu fais pas mal plus de répétitions. On parle de 90 répétitions — j’ai bien dit 90 — avec la formule  » trois fois 15 minutes de « 15 secondes vite – 15 secondes lent » « . Et tout ça en moins d’une heure et demie, incluant échauffement, retour au calme et repos actif entre les séries de 15 minutes. Le plus difficile c’est de trouver la bonne intensité au cours des premières pointes.

– Oui. Je me rappelle qu’on avait fait nos premiers 15 secondes  » vite  » un peu trop secs quand on avait essayé ton  » entraînement miracle  » au Parc Colbert.

– C’est l’erreur de tout le monde; même les athlètes chevronnés. Résultat, à la fin, tu  » payes  » pour. Ou bien tu dois ralentir, ou bien tu termines épuisé, ce qui n’est vraiment pas le but.

– Ah non ?

– NON ! Contrairement à ce qu’on serait porté à croire, c’est pas nécessaire de se pousser à fond au cours d’un entraînement par intervalles pour en retirer des bénéfices.

– Oui, mais tu sais comment on est. Non ?

– Quand tu fais de  » l’intervalles courts « , dès les premières fractions d’effort de 10, 11… ou 15 secondes, peu importe, c’est  » ta responsabilité  » de trouver une intensité qui est suffisamment élevée pour faire en sorte que tu t’enlignes vers un niveau satisfaisant de fatigue — histoire de pas feeler trop cheap —, mais pas trop intense de sorte que tu sois capable d’augmenter sensiblement l’intensité de la première à la dernière répétition, sans t’épuiser.

– …

– …

– Hum, c’est vrai qu’il est bon leur café.

– Te l’ai dit; le meilleur au monde.

– Comme ça tu crois aux miracles ?

– Non, mais faut admettre que l’entraînement par intervalles courts a des vertus particulièrement intéressantes. D’abord ça fait perdre plus de poids que l’entraînement continu chez les gens au régime. C’est un de mes chums à l’Université Laval qui a montré ça; Angelo Tremblay. Et l’idée c’est que tu développes à la fois ta puissance aérobie maximale et ta capacité anaérobie, les deux déterminants de la performance les plus importants en ski de fond et en cyclisme. C’est la seule forme d’entraînement qui fait ça; développer deux qualités physiques en même temps.

– C’est ton opinion ou…

– Non, non. C’est prouvé. Plusieurs études : Japon, États-Unis, Scandinavie… En fait, y’a trente ans Gerschler le disait déjà, mais on vient de redécouvrir que  » l’intervalles courts  » paye beaucoup sur le plan de la performance.

– Hum !

– Quand tu fais ta fraction rapide, tu sollicites ton système neuro-musculaire à une intensité qui peut facilement atteindre et même dépasser largement ton VO2max, même si tu ne te pousses pas à fond; de là la sollicitation et donc l’amélioration de ta capacité anaérobie.

– …

– Par contre, pendant ta fraction lente, ton système cardiovasculaire doit amener l’oxygène aux muscles pour compenser pour l’oxygène que t’as utilisé pendant la pointe, c’est pour cela qu’on dit que l’entraînement par intervalles courts développe la puissance aérobie maximale autant que la capacité anaérobie. Qu’est-ce t’en penses ?

– Génial.

– OK. On y va pour génial, mais quand je pense à ce qui est arrivé à Clara Hughes, c’est  » miracle  » qui me vient à l’esprit.

– La grande rousse là ?

– J’tai pas raconté ? Quand Denis Roux était entraîneur de l’équipe canadienne, je lui ai recommandé un entraînement d’hiver spécial pour Clara, parce qu’elle était  » pognée  » pour rester à Winnipeg : deux fois 10 minutes de  » 15 secondes vite — 30 secondes lent « . Mais Denis avait mal retenu et lui a fait faire – tiens toi bien – une heure par jour de 20 secondes à haut régime avec 40 secondes de récupération active !

– … !

– Sans arrêt !

– Wow !

– T’imagines ? Une heure sur le CompuTrainer. Tous les jours !

– Tu penses que c’est ça ses deux médailles aux Jeux ?

– On peut pas affirmer ça de même, mais mettons qu’avec son talent immense et un entraînement pareil…

– …

– …

– Euh, Guy; tu trouves pas que le gars aux lunettes de soleil à côté il a le nez de Léon ?

Mai 1998

 

Mai
01

Vous avez sûrement entendu parler de Montignac!

Vous avez sûrement entendu parler de Montignac ! par Pierrette Bergeron

Depuis quelque temps, la vogue Montignac a pris de l’ampleur. Faut dire que Monsieur Montignac est venu en tournée promo-tionnelle il y a quelques mois, afin de négocier des ententes pour l’ouverture de centres  » Minceur  » et la vente de produits (1). On doit représenter un marché intéressant !

Michel Montignac est un homme d’écriture et de communication français. Et il réussit bien dans ce domaine; des millions de ses livres ont été vendus.  » Je mange donc je maigris  » est le livre très populaire ces temps-ci, dont je vais vous entretenir.

En introduction, l’auteur nous présente son cas personnel et ce qu’il a fait pour maigrir.  » Il ne s’agit pas d’un régime, mais d’une nouvelle méthode d’alimentation pour retrouver la vitalité physique et intellectuelle perdue « . À l’instar des tenants de  » l’alimentation naturelle « , comme les naturopathes, il affirme que les aliments actuels sont trop raffinés et sont dépourvus de leurs principes nutritifs. Il est vrai que certains aliments ont été raffinés, mais leur valeur nutritive n’est pas nécessairement nulle. Par exemple, les principales différences entre le pain blanc et le pain de blé entier seront les teneurs en fibres et en zinc; le pain blanc n’est pas un aliment vide ! Selon Montignac, sa méthode n’est pas un régime parce qu’il n’y a pas de restrictions de famine ni de menus tout faits, qu’il ne faut pas peser les aliments ni compter les calories.

Les calories

Au premier chapitre, il est question du  » Mythe des calories « , c’est-à-dire que  » l’approche hypocalorique est sans fondement scientifique réel, … que les régimes n’ont aucun résultat sérieux et durable « . Il est vrai que 95 % des personnes suivant un régime restrictif n’arrivent pas à maintenir leur nouveau poids [les régimes restrictifs sont caractérisés par un déficit calorique marqué]. Il y a également eu une époque, pas si lointaine, où les médecins prescrivaient des diètes amaigrissantes plutôt restrictives où les calories étaient calculées. Aujourd’hui, les diététistes (2) préconisent une modification graduelle des habitudes. Il est d’ailleurs prouvé scientifiquement qu’un léger déficit de l’apport calorique, surtout combiné à de l’exercice, permet d’atteindre et de maintenir un poids santé [cela ne veut pas dire qu’il faut compter les calories des aliments qu’on mange].  » La perte pondérale est éphémère… parce que l’organisme ajuste ses besoins « . Un régime restrictif peut entraîner une baisse du métabolisme, mais c’est surtout à cause des fringales et du retour aux habitudes antérieures que la personne engraisse.

Fondement de la méthode

Puisque, selon l’auteur, le déficit entre les calories absorbées et celles dépensées ne peut justifier les graisses de réserve, il lui fallait trouver une autre explication.  » Le processus de constitution ou de non-constitution de graisses de réserve est directement lié à la sécrétion d’insuline « . Cette affirmation est une interprétation du fait que l’insuline stimule la lipogénèse [synthèse des lipides]. Elle constitue aussi une hypothèse du régime 40-30-30 ou  » The Zone « , préconisée par Barry Sears, dont il a été question dans une parution antérieure [saison 1996-1997, no II]. Cette affirmation ne tient pas compte de la complexité du métabolisme des glucides, lipides et protéines. Par exemple, d’autres hormones, à part l’insuline, jouent un rôle dans le métabolisme des lipides. En effet, l’adrénaline, l’hormone de croissance et le cortisol, entre autres, stimulent la lipolyse [dégradation des lipides].

Aussi, en regardant la bibliographie du livre, on constate que plusieurs références concernent le diabète et le syndrome de résistance à l’insuline. Chez les personnes atteintes de ces maladies, les tissus de l’organisme sont moins sensibles à l’action de l’insuline qui est nécessaire aux cellules pour utiliser le glucose [sucre dans le sang] et le mettre en réserve sous forme de glycogène; pour compenser cette résistance des tissus, le pancréas cherche à sécréter plus d’insuline. La dérèglement du métabolisme des lipides est également un symptôme de ces maladies. On ne peut généraliser les conséquences de ces troubles en les appliquant à toute la population.

Donc, pour Monsieur Montignac, les aliments qui stimulent la sécrétion d’insuline sont mauvais et ils deviennent catastrophiques s’ils sont combinés avec des matières grasses, parce que  » l’insuline excédentaire récupère une partie des acides gras pour les stocker sous forme de graisses de réserve « . Il se base sur l’indice glycémique [IG] pour les classifier. Ainsi, tous les aliments ayant un IG supérieur à 50 sont à proscrire. L’IG réfère à l’augmentation du glucose sanguin au cours des deux heures suivant l’ingestion de 50 g de l’aliment; on attribue un IG de 100 à la réponse obtenue avec du glucose. Peu d’aliments ont un indice glycémique inférieur à 50 : très peu de produits céréaliers, certains fruits et légumes, les produits laitiers [sauf la crème glacée], les viandes, volailles, poissons, légumineuses et noix, les matières grasses et le chocolat. Certains aliments décriés par Montignac ont un IG relativement bas [selon mes sources]. Par exemple :

  • spaghetti blanc = 41
  • croustilles = 54
  • riz blanc = 56
  • sucre blanc = 65
  • pain de blé entier = 69
  • pain blanc = 70

On connaît très peu l’IG résultant de la combinaison d’aliments. Cependant, on sait qu’il est influencé par la consommation de protéines ou de matières grasses avec les glucides, par l’état métabolique de la personne [par exemple, ses réserves de glycogène, qui dépendent de la sécrétion d’insuline], le moment de la journée, etc.

Les régimes basés sur la restriction des glucides ne sont pas nouveaux. Depuis les années 70, différentes versions ont fait leur apparition. L’indice glycémique est cependant un concept plus récent.

Les fibres

En théorie, la méthode Montignac vise un apport élevé en fibres, puisqu’elles ont un effet rassasiant et qu’elles peuvent contribuer à régulariser les taux de sucre et de cholestérol dans le sang. En pratique, certains aliments classés comme  » fibres  » en contiennent peu, comme les laitues et le céleri, tandis que d’autres aliments riches en fibres sont éliminés en raison de leur indice glycémique élevé, comme les petits pois et le maïs.

Le sucre

 » Le sucre fait autant de ravages que l’alcool et la drogue réunis « . Pourtant, si on exclut les caries dentaires, aucune évidence scientifique ne permet de conclure que les sucres, au niveau actuel de consommation, présentent des dangers pour la santé.

Le sucre ne cause pas le diabète, ni l’obésité. Même que les plans alimentaires récents pour diabétiques incluent des sucres. On ignore comment se développe le diabète, mais on croit que des facteurs environnementaux le déclenchent chez les personnes génétiquement vulnérables. Les obèses ont la même préférence pour les goûts sucrés que les personnes ayant un poids normal, mais préfèrent une concentration plus élevée en matières grasses; les femmes obèses préfèrent la combinaison d’aliments sucrés et gras comme les desserts alors que les hommes obèses préfèrent les aliments à teneur élevée en protéines, comme les viandes grasses.

L’effet des sucres sur la santé dentaire dépend de plusieurs facteurs, tels la prédisposition aux caries, l’hygiène dentaire, l’exposition au fluor, etc. De plus, certains aliments ont des effets protecteurs contre la carie dentaire, comme les gommes à mâcher contenant du xylitol, les fromages, les viandes, les noix et les légumineuses.

Il est normal d’avoir une préférence pour le sucré; c’est un goût inné. Aussi, le goût sucré semble favoriser un meilleur contrôle des ingestions d’aliments; la perception de plaisir ou de déplaisir évoqué par un aliment serait le moteur du comportement ingestif, selon certaines recherches. Quant à la préférence pour les matières grasses, elle serait acquise.

Les fruits

Cette section est fortement inspirée des combinaisons alimentaires de Shelton.  » Les fruits pris en association perturbent la digestion des autres aliments absorbés et du même coup perdent la plupart des propriétés [vitamines, …]. L’amidon, pour être digéré, doit obligatoirement être accompagné de ptyaline, sécrétée dans la salive. La plupart des fruits ont la propriété de détruire la ptyaline. Donc, l’amidon en présence de fruits n’est plus digestible. Les fruits doivent être consommés seuls.  »

L’enzyme amylase salivaire [ou ptyaline] initie la digestion des glucides dans la bouche. Au plus, 5 % des glucides seront hydrolysés en dextrines dans la bouche. L’amylase salivaire continue à agir dans l’estomac durant quinze à trente minutes jusqu’à ce que les acides de l’estomac l’inactivent. Les fruits sont beaucoup moins acides que le contenu de l’estomac et n’ont pas d’effet sur l’amylase salivaire. La majeure partie de la digestion des glucides a lieu dans le petit intestin, où l’amylase pancréatique hydrolyse les dextrines en disaccharides. Ensuite, les enzymes maltase, sucrase et lactase complètent l’hydrolyse en monosaccharides qui sont des molécules simples pouvant être absorbées dans le sang. La sécrétion des enzymes pancréatiques dans le petit intestin commence dès que les aliments entrent dans la bouche, puisque la stimulation des papilles gustatives transmet un influx nerveux au cerveau.

Il n’y a aucun avantage nutritionnel à consommer les fruits seuls. Même que pour favoriser l’absorption du fer non hémique [d’origine végétale], il est recommandé de consommer en même temps une source de vitamine C. Plusieurs fruits sont riches en vitamine C.

L’alcool

 » L’alcool fait beaucoup moins grossir que le sucre, le pain blanc, les pommes de terre et le riz « . Ces aliments sont à base de glucides qui fournissent quatre calories par gramme tandis que l’alcool en fournit sept. Selon Angelo Tremblay, chercheur à l’Université Laval, l’alcool inhiberait temporairement l’utilisation des trigly-cérides [graisses] et favoriserait le dépôt de graisse au tronc [un tour de taille large est associé à un risque plus élevé de maladies cardio-vasculaires]. En revanche, des études épidémiologiques ont associé une consommation modérée d’alcool à une concentration accrue de cholestérol HDL [le bon], à des effets antiplaquettaires et antithrombiques qui réduiraient le risque de maladies cardio-vasculaires.

Le sport

 » Le sport n’a jamais fait maigrir personne « . Connaissez-vous beaucoup d’athlètes qui font de l’embonpoint ? Selon Montignac, l’exercice fait perdre de l’eau et augmenter les réserves de glycogène, donc le poids. Pourtant, des études épidémiologiques indiquent qu’un faible niveau d’activité physique est associé à un gain pondéral avec le temps.

 » Car en sport, il y a une règle d’or que vous devez toujours respecter : ne jamais forcer la machine « . Je connais plusieurs entraîneurs, athlètes et sportifs qui ne seraient pas d’accord avec cette affirmation. De plus, il a déjà été démontré que la dépense énergétique totale était augmentée à la suite d’entraînements par intervalles.

L’importance des glucides

La méthode Montignac va à l’encontre des recommandations nutritionnelles récentes qui préconisent de mettre l’emphase sur les produits céréaliers et les fruits et légumes, afin d’obtenir une proportion élevée de glucides dans l’alimentation.

  • Le glucose, obtenu plus facilement avec des glucides, est le carburant de choix de l’organisme pour la production d’énergie.
  • L’équilibre glucidique est maintenu avec plus de précision que l’équilibre lipidique; c’est-à-dire que lorsqu’on mange plus de glucides, on en  » brûle  » plus. Cet ajustement ne se fait pas aussi rapidement avec les matières grasses.
  • De plus en plus de recherches démontrent que c’est l’apport en glucides qui influence la régularisation de la consommation d’aliments. La faim, déclenchée par l’épuisement des réserves de glycogène conduisant à l’hypo-glycémie, durerait jusqu’à ce que l’ingestion d’aliments permette de rétablir le taux de glucose sanguin. Les ajustements quotidiens de l’apport alimentaire semblent donc viser le maintien des réserves de glycogène qui dépendent de l’apport en glucides.
  • Des apports élevés en glucides sont associés à une diminution de l’apport calorique total.
  • Les aliments riches en glucides auraient un effet de satiété plus élevé que ceux riches en matières grasses.

Appréciation globale

Monsieur Montignac présente un régime qui a des avantages sur le plan nutritionnel.

  • Il recommande au moins trois repas par jour, ce qui contribue à régulariser la glycémie et l’énergie au cours de la journée.
  • Il vise à augmenter l’apport en fibres qui est présentement insuffisant; en moyenne, on consomme la moitié de ce qui serait approprié.
  • Il met un accent sur la consommation de gras monoinsaturés et polyinsaturés, dont l’apport, en général, est inférieur à ce qui est recommandé.
  • Aucune durée précise n’est spécifiée pour l’application de la phase 1; il laisse entendre qu’elle peut durer plusieurs mois. Ainsi, la perte de poids pourrait être graduelle.
  • Il ne vise pas une restriction calorique drastique.

Mais, c’est un régime.

  • Il élimine plusieurs aliments, et même presque tout un groupe d’aliments, les produits céréaliers, qui doivent constituer la plus grande partie de notre alimentation.
  • L’application du principe de base conduit à des pratiques plutôt aberrantes, comme manger du fromage sans pain, des rôties sans beurre ni confiture, etc.
  • L’analyse nutritionnelle informatisée des menus proposés indique que l’apport énergétique pourrait varier de 1 200 à 2 000 calories par jour. Le minimum recommandé pour tout adulte par Santé Canada est de 1 800 calories par jour. Selon l’application individuelle de la méthode, le déficit calorique peut être assez marqué.

En fin de compte, ce qui fait que les gens maigrissent avec cette méthode, ou une autre, c’est qu’ils mangent moins que ce qu’ils dépensent, ou qu’ils dépensent plus que ce qu’ils mangent.

Références

  • HARVEY, Pierre, Guy THIBAULT, Pierrette BERGERON et Pierre ANCTIL (1998). Guide de mise en forme. Montréal, Les Éditions de l’Homme.
  • Colloque  » Le point sur les glucides et la santé  » (1997). Organisé par l’Ordre profes-sionnel des diététistes du Québec.
  • TORTORA, Gerard and Nicholas ANAGNOSTAKOS (1978). Principles of Anatomy and Physiology. 2nd ed., New York, Harper & Row, Publishers, Inc.
  1. En France, on retrouve les Boutiques Michel Montignac‚ et le Service Consommateurs Michel Montignac.
  2. En France, il n’y a pas de diététistes. Il y a des médecins nutritionnistes et des diététiciennes qui ont une formation semblable à nos techniciennes en diététique.

Mai 1998

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