Les « jambiers antérieurs » douloureux par Guy Goulet
Vous, les MAÎTRES, connaissez sûrement ça ! Un Homo sapiens, début quarantaine, ayant été trop sédentaire pendant les périodes blanches et froides, qui se décide finalement à ressortir ses vieux skis de fond classiques pour revigorer son gabarit afin que le temps ne l’abîme pas trop vite. Vous avez tous entendu le proverbe : Mieux vaut tard que jamais.
Nous sommes au début de l’hiver 1997, dans les Laurentides, et au moins une fois par semaine je m’efforce de chausser mes vieux skis pour remuer mon corps amolli par la sédentarité. À chaque fois que je glisse sur la piste linéaire et plutôt plane de l’ancien train du nord au niveau de mont Rolland, des nouveaux skieurs-patineurs de tous âges me dépassent de façon déconcertante. Ces dépassements m’irritent au plus haut point et ma fierté est démolie comme Stéphane Ouellet a été assommé par Dave Hilton lors de leur dernier combat. Conservant mon tempo, malgré un amour-propre en perte de vitesse, je me disais que je devais essayer cette nouvelle forme de glissement que je trouvais élégante, rythmée et surtout très racée.
Après plusieurs discussions convaincantes avec des fanatiques, la perspective d’un fartage plus simple, le défi d’apprendre de nouveaux pas, etc., je n’ai pas pu résister. Je m’équipe donc de la vraie façon, comme un pro.
Après avoir passé ma jeunesse sur des patins à glace à jouer au hockey, je croyais que cette initiation aurait été un petit bonheur. En effet, quoi de plus simple que de glisser sur un ski, puis sur l’autre, tout comme chaussé d’une paire de patins. Je trouvais l’analogie évidente. Équipements en main, skis cirés et brossés, je glisse sur la piste pour la première fois avec mes skis-patins. Cette sortie s’est conclu par une frustration complète de A à Z.
Les premiers glissements ont été ardus, suivis de quelques chutes, puis après un certain temps et en me concentrant uniquement sur mes jambes, j’ai réussi à maintenir le rythme : glisse à gauche, glisse à droite. Je me suis vite rendu compte que patiner skis aux pieds est bien différent qu’avec des patins. L’équilibre, le transfert de poids, la coordination, le rythme, l’efficacité et la forme physique devenaient des impératifs à acquérir afin de retirer du plaisir lors de mes sorties futures.
Plus je glissais, plus je m’ambitionnais à pousser un peu plus et comme dans toute nouvelle expérience, la réalité vient vous frapper de plein fouet. Qu’est-ce qui m’arrive ? Une douleur, une sensation de brûlure dans mes deux jambes au niveau du tibia. Quelle déception ! Je venais d’apprendre que je possédais des « jambiers antérieurs », petits muscles situés à l’avant du tibia. J’ai fait une pause, puis demi-tour et ensuite je suis entré au bercail.
J’étais heureux de m’adonner à un nouveau style de ski de fond, mais déçu par l’évidence que la technique ou la forme physique ou un mélange des deux me manquait pour continuer. J’ai suivi un cours de quatre heures pour apprendre les pas de base : V1, V2, V2 alterné et le diagonal, ce qui m’a aidé grandement.
Malgré plusieurs sorties, cette brûlure dans mes jambes se manifestait toujours. Je devais prendre des pauses pour reposer mes jambes, soit en arrêtant ou bien en glissant en utilisant le « double poling » afin que cette douleur fatigante s’amenuise.
Pendant les deux années suivantes, j’ai continué à skier sans jamais abandonner, malgré cette douleur déplaisante aux jambiers antérieurs. À l’automne 1998, j’ai acheté une paire de skis à roulettes V2 JENEX pour le style patin en me disant que si je pratique avant l’hiver, ma forme et ma technique seront améliorées et peut-être que mes jambiers antérieurs seront renforcés. Un apprentissage assez ardu, suivi d’une participation au Camp des maîtres 1998 ont contribué à améliorer ma technique et à réduire la douleur dans mes pauvres jambiers antérieurs.
Cette année, décidé comme jamais, j’ai commencé à rouler sur mes nouveaux skis-roulettes à la fin mai et je n’ai pas manqué une semaine. Je ski-roule dans le parc d’Oka, un endroit sécuritaire. Au 24 octobre 1999, j’avais accumulé près de 58 heures. Je peux vous affirmer que maintenant je ne ressens plus de douleur (très peu) dans mes muscles à l’avant des tibias, seulement une bonne fatigue générale à la fin de mes sorties. Définitivement, le ski à roulettes m’a aidé à me préparer pour la saison blanche qui s’en vient à grand pas. À la lumière de mes différentes expériences en ski-roulettes cet été, j’en arrive aux conclusions suivantes :
• Les causes du problème des jambiers antérieurs sont, selon moi, un manque d’entraînement, mais surtout un surmenage causé par un transfert de poids et un équilibre incomplets sur le ski de glisse. La crainte de tomber peut vous empêcher de bien transférer tout votre poids. Si le transfert est incomplet, les muscles de vos jambes demeurent tendus, surtout les jambiers antérieurs, générant une fatigue rapide.
• Si le transfert sur le ski ou sur le ski-roulette est complet, l’autre jambe lors de son recouvrement peut et se doit d’être relaxée, reposée. Cet été, je me concentrais à relaxer la jambe qui était en recouvrement et ça fonctionne. N’oubliez pas de toujours ramener le ski-roulettes parallèle au sol.
• Patiner sans les bâtons en déplaçant vers l’avant le bras opposé au ski de glisse améliore beaucoup l’équilibre et le transfert de poids.
• Lorsque le ski de glisse est déposé au sol, le haut du corps doit être lancé et maintenu vers l’avant sans exagérer pour le un pas (V2) et le deux pas de patineur (V2 alterné). Un centre de gravité localisé un peu vers l’avant améliore la technique et le rendement. Une position assise, trop sur les talons pour ces deux pas, déplace le centre de gravité vers l’arrière réduisant l’efficacité et la beauté du rythme.
• Finalement, j’ai souvent pratiqué, dans un espace de stationnement désert, l’exercice en huit que j’ai vu dans la cassette vidéo de Myriam Bédard. Vous skiez en effectuant des huits. Laissez-moi vous dire que ça fait travailler ces fameux « JAMBIERS ANTÉRIEURS » qui sont petits, mais qui peuvent vous causer bien des désagréments. C’était mon cas, et je l’ai réglé avec de la persévérance.
J’espère que mon histoire pourra aider les Homo sapiens qui auront à faire face à ce problème lors de leurs premières expériences en pas-patineur : le sport le plus beau et le plus complet qu’on puisse trouver.
Bon ski.
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