Hommage à Robert Giguère par Marc-André Cournoyer
Bonnes gens, je me présente à vous pour exécuter avec plaisir une commande que m’a transmise notre président aussi tôt qu’au printemps 1999. D’emblée, j’ai accepté parce que la tâche consistait à composer un texte concernant un bon ami à moi, un joyeux vivant, plaisant, aimant la vie. Un texte voulant vous faire découvrir certains autres aspects d’un athlète courageux, doté d’une personnalité exemplaire et d’une capacité énorme de dépenser des énergies. Un gai luron de la région de Québec, plus précisément de la zone des miracles.
Un Monsieur qui sait aider les jeunes plein de vouloir, à leur insu, tellement cela est fait à propos et avec doigté. Il sait très bien que l’expérience ne se distribue pas et ne se partage pas, mais il sait aussi pertinemment qu’un bon conseil bien dosé, sans aucune pression et sans prétention ex cathedra, fait plus qu’un conseil énoncé avec un ton magistral.
Je connais le phénomène depuis vingt ans et je ne l’ai pas encore vu de mauvaise humeur ou à déblatérer sur qui que ce soit.
À l’été 1999, il s’est entraîné ici et là dans notre beau Canada, à l’ouest de Québec, à la course à pied pour le marathon des Deux·Rives du dernier dimanche d’août, en accompagnant un cycliste de 69 ans qui, lui, a enfourché sa bicyclette de Vancouver jusqu’à Saint·Ferréol·les·Neiges. Celui que nous honorons ce soir, lui, durant ses temps libres que lui laissait son occupation de chauffeur, s’entraînait à la course à pied.
Je ne vous entretiendrai pas de lui en vous mentionnant des chiffres, des dates, des statistiques, vous connaissez l’allure générale de ses exploits, de leurs difficultés et de leurs exigences étant donné que beaucoup d’entre vous êtes souvent des participants aux épreuves auxquelles il s’astreint. Remarquez cependant qu’il est un champion canadien des maîtres dans sa classe en ski de fond et ce, à plusieurs reprises. Une réputation étendue sur plusieurs années et en plusieurs endroits en sol canadien d’est en ouest. Il affiche des résultats plus qu’honorables en Europe. Il a concouru en Suède, en Autriche, aux États·Unis et j’en oublie. Il aime beaucoup skier, durant ses moments de détente, derrière une dame aux fesses intelligentes, habillée dans un costume qui lui sied bien. Ce bienfait de la vie l’encourage et lui donne un surcroît d’énergie.
Tous les maîtres sont fiers de lui.
Le moins que je puisse dire, c’est qu’il est un hyperactif, quelqu’un de dérangeant pour un paresseux. Il m’a dit que dès son lever, il est à « ON ». Il met le commutateur à « ON » en laissant le lit.
De bonne heure à l’action, mais de bonne heure au lit le soir s’il n’y a pas d’activité pour le fasciner.
Je veux maintenant vous faire part de quelques anecdotes savoureuses, à divers degrés, le concernant, question de vous faire voir quelques facettes du personnage.
Lorsqu’il s’entraîne en jogging sur le circuit fermé du chemin du Cap Tourmente, à Saint·Joachim, haut lieu de la chasse aux oies blanches sur la Côte·de·Beaupré, il appelle quelques·unes de ses connaissances pour qu’elles lui préparent des potions de ravitaillement qu’elles laissent dans leur boîte aux lettres sur le bord de la route. Voilà une organisation efficace à peu de frais.
Notre copain aime, au travers de bien d’autres aspects de la vie, la musique bien vivante et la danse entraînante. Même après une loppet ou un marathon, participer de façon très active aux activités sociales de la soirée qui suit ne le rebute aucunement.
Un fait l’a marqué énormément lors des jours suivant immédiatement les championnats mondiaux des maîtres à Canmore, Alberta, en 1995, alors que Messieurs Georges Girard, Marc·André Cournoyer et notre vedette étaient en voiture sur la route des glaciers entre Banff et Jasper par un lundi radieux et froid. En contournant une courbe accentuée en direction de Jasper, que nous apparaît·il ? Une chèvre de montagne léchant le sel sur le pavage en plein centre de la voie carrossable. Cournoyer arrête la voiture, réclame à notre blond sa caméra. La bête collabore beaucoup. Il en résulte une magnifique photographie où l’on voit très bien les yeux de la bête, le rétroviseur de la voiture, la route et des montagnes enneigées à l’arrière. Il est très fier de cette photo. Cette séquence et cette photo le font encore saliver lorsqu’on se les remémore.
Je reviendrai plus tard pour d’autres anecdotes plus succulentes. Vous ne perdez rien à attendre.
Parlons un peu de ses deux filles qui sont de la trempe de leur père. Je veux parler de Marie et de Céline. Ces deux femmes ont hérité, plus que d’autres dans sa famille, des qualités athlétiques du paternel. Notre bonhomme a engendré un garçon et quatre filles. Marie fut du premier grand fond Camp Mercier-Mont·Sainte·Anne, en ce temps·là, c’était le grand fond O’Keefe. Le tracé initial était l’œuvre de Monsieur Georges Girard. Cela nous reporte à près de trente ans. Cet événement fut, pendant plus de vingt ans, l’événement choyé des gens en forme, la dernière course de la saison, la cerise sur le « sundae ». Après cela, la détente pour une couple de semaines. La dernière compétition de la sorte eut lieu en 1995. À cause d’un manque d’organisation à la hauteur de l’épreuve et de sa popularité, elle a dû être abandonnée à l’insatisfaction de plusieurs. Le même engouement et le même esprit n’ont pas encore été retrouvés. L’arrivée d’un nouveau propriétaire au Mont·Sainte·Anne, plus calculateur, n’a pas aidé aussi. Ces gens aiment mieux voir des skieurs sur leurs pistes et dans leurs restaurants que dans les bois.
Céline a atteint les plus hauts échelons au niveau canadien au milieu des années 1970. Toutes deux élèvent maintenant leur famille. Marie à Saint·Ferréol·les·Neiges et Céline dans la région de la capitale nationale du Canada.
Le septuagénaire, au temps de sa carrière active sur le marché du travail, a surtout exercé le métier de Saint·Joseph au moulin à papier de Beaupré où il a soutenu et éduqué un groupe d’enfants appréciés dans leur milieu respectif.
Son cercle d’amis se trouve parmi les compétiteurs en ski de fond et en course à pied et au sein de nombreux compagnons de travail qui se rappellent de lui comme celui qui se rendait travailler en courant ou à bicyclette. Parfois, c’était lors de ses retours aussi. Au risque d’en oublier, je nommerai les personnes suivantes à titre d’amis qu’il voit régulièrement : Georges Girard, Raymond « Buddy » Couture, Jean St·Hilaire, Pierre Harvey, Robert Blouin, Clément Drouin, Michel Bédard, les frères Jocelyn et Pierre Vézina, Jules Rancourt, Gilles Cloutier, Rolland Michaud, Jean·Yves Babin, Gérard Tardif, Côme Desrochers. Arrêtons ici l’énumération des hommes pour penser aux dames : Madame Lucien Careau·Maheux, Denise de son prénom, Lucie Garneau, Annick Carbonneau. Vous avez là l’éventail de ses amis. Énumérer ses connaissances serait trop accaparer de votre temps. J’en aurais pour des minutes.
Rendu en novembre de chaque année, il surveille l’arrivée de la première neige et il est un des premiers, sinon le premier, à frotter ses skis sur la piste le long de la rivière Jean·Larose au travers des jeunes compétiteurs entraînés par Côme Desrochers et Jules Rancourt. La bicyclette ne l’a jamais attiré, mais il est un adepte du canot et du kayak. Il a commencé à bâtir des kayaks en fibre de verre, il y a longtemps, bien avant que ce soit une mode répandue et populaire. Il fût un des premiers, sinon le premier, à promouvoir l’utilisation de ce matériau dans son entourage et aujourd’hui, la ville de Beaupré est un centre d’attraction pour le monde du kayak, dans le monde du loisir et dans le monde de la compétition au niveau canadien. À Beaupré, dans son environnement, se déroulent de nombreuses compétitions de haut niveau. Un garçon de Beaupré du nom d’Antony Kelso y gagne de nombreuses compétitions. À Beaupré, on peut y voir à l’année des installations permanentes délimitant le parcours des compétiteurs.
Je connais un seul coureur chez les maîtres du Québec qui consulte des heures durant les fiches des résultats locaux, internationaux et mondiaux des compétitions en ski de fond chez les membres de la WMA et c’est notre homme à l’honneur ce soir qui le fait. Il est donc au courant du niveau de compétitivité de ses confrères compétiteurs et adversaires potentiels. Il se maintient au courant de la régularité avec laquelle ils prennent part aux compétitions. Même stratagème pour les courses à pied.
Aussi, en vivant auprès de lui quelques jours, on découvre qu’il déteste l’immobilité, qu’il piaffe d’impatience à un feu rouge qui le retient dans la circulation automobile. En voyageant en automobile avec lui, il est très difficile à faire immobiliser pour que tu puisses consulter les cartes afin de te localiser. Faut que ça roule ! Très peu question de détour, si minime soit·il, pour aller fureter lorsque tu es en route pour la compétition. Après les compétitions, là il est très coopératif à ce niveau. Après ces mêmes compétitions, la diète change aussi, au diable les pâtes. Et le côté social prend le dessus, mixte de préférence. Tout cela à l’intérieur des limites proposées par la pratique d’une bonne conduite. Un Monsieur bien élevé, bien éduqué.
Maintenant, payons·nous une pinte de bon sang en relatant quelques anecdotes drôles mettant en vedette notre lauréat.
Skiant au parc du Mont·Sainte·Anne depuis cinquante ans, le connaissant comme le fond de sa poche, il lui est arrivé l’aventure de se tromper de piste durant le déroulement d’une compétition. Cette fois·là, il ne s’est pas fié à lui. Lui et quelques autres ont suivi « Buddy », la tête basse, « Buddy » Couture j’entends, un diplômé en « orienteering ». Cela se passait voilà approximativement quatre ans.
Le défunt Laurent St·Hilaire, lui a déjà ciré, à son insu, ses skis au fromage. Encore une fois sur le sommet du mont Sainte·Anne. Il est descendu de là·haut sur un temps riche.
Il a déjà tenté de faire taire un détecteur de fumée, juché sur un divan de motel, à Mascouche, le matin du Maskicourons en agitant une boîte de flocons de maïs, mieux connu sous le nom de « Corn Flakes » préalablement ouverte s’il vous plaît ! Belle séance d’autocueillette par la suite !
Il est capable aussi de chausser les bottes de ski de son ami Robert Blouin en jurant qu’il se trouve dans les siennes.
Il a déjà acheté, en revenant du mont Washington, dans un magasin hors taxes à la ligne frontalière, une bouteille de cognac percée.
Après avoir couru le 10 km de l’Oie blanche à Montmagny, déguisé en jogger durant le social d’après·course, il a dû patienter deux heures et demie avant de pouvoir accueillir l’homme de service du club automobile après avoir laissé les clefs de la voiture dans le véhicule.
Quand il a la chance d’agacer, il ne la rate pas; soyez·en assurés. Glissez·en un mot à Michel Bédard. Ils étaient tous deux sur le sommet du mont Sainte·Anne, ils voyaient le fleuve Saint·Laurent et Michel Bédard demande à Robert s’ils sont sur le versant nord du mont. Notre Robert, maintenant, à chaque occasion, profite de ce fait pour le rappeler à Michel lorsqu’il est question d’orientation.
Il possède une discipline rigide lorsqu’il se prépare à une compétition. Il s’y prépare comme un spartiate. Deux semaines de temps sans bière, ni vin, deux derniers aux pâtes.
Il ne manque pas beaucoup de compétition se déroulant à un jour de Québec aller·retour. Le 10 km de l’Université Laval, le 10 de l’Oie blanche à Montmagny, un 10 à Baie·Saint·Paul, le 5 km de la descente royale à Beauport, le Maskicourons, le marathon des Deux·Rives à Québec et Lévis. En 1998, il remportait sa classe au marathon des Deux·Rives. En 1999, il terminait ce même marathon deuxième de la même classe tout en améliorant son temps d’une minute, sous de terribles conditions adverses pour la deuxième moitié du parcours. En ski, il fait le même stratagème autour de la vieille capitale : Mont·Sainte·Anne, Valcartier, Camp Mercier, Saint·Jean·Chrysostome, la Lévis·Mirepois, la Loppet, le Grand fond de Rimouski, l’épreuve printanière au mont Valin. Le vieillissement ne l’arrête pas.
Une piste porte son nom à Beaupré au club municipal. La Ville de Beaupré en a décidé ainsi de son plein gré.
Robert Giguère est un modèle et un exemple à suivre pour tous les gens; quel que soit leur âge et leurs aspirations.
En votre nom, je le salue, je le félicite, je lui souhaite encore de nombreuses autres années à continuer ainsi ! Moi aussi je suis fier d’être son ami !
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