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Déc
01

Pour se dégourdir les skis cet hiver – Marathon Canadien de Ski


Pour se dégourdir les skis cet hiver…
par Paul Junique, Verdun

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La neige n’est pas tout à fait arrivée et vous vous demandez quand vous rembarquerez sur vos planches pour relever un autre défi. En attendant, pourquoi ne pas rêver à vos exploits de la saison 2009? Les deux textes qui suivent vous mettront le fartage aux skis (ou l’eau à la bouche) en vous présentant deux épreuves relaxantes et amusantes, à la portée de tous (toutes).

Marathon Canadien de Ski (160 km)

Comme tous les vieux dinosaures, c’est en septembre que je reçois (par la poste) le formulaire d’inscription au Marathon Canadien de Ski.

Ma soirée se passe au téléphone. J’y contacte les vieux routiers pour vérifier que tous ont reçu l’invitation et sont prêts à affronter une fois de plus la piste qui relie Lachute à Gatineau. Certains, plus efficaces que moi, me rejoindront avant mon appel pour s’assurer à leur tour de ma participation à l’événement. Tous les amis seront au rendez-vous. Je n’aurai pas la goujaterie de vous expliquer en quoi consiste le Marathon.

Si vous voulez être « Coureur de bois »:

  • La première année, vous skiez 80 km le samedi (Lachute à Montebello) et 80 km le dimanche (Montebello à Gatineau): vous devenez Coureur de bois bronze.
  • L’année suivante, vous faites le même trajet, mais avec un sac à dos de 14 livres (minimum): vous devenez Coureur de bois argent.
  • L’année suivante, mêmes obligations mais vous dormez dehors la nuit du samedi au dimanche: vous êtes Coureur de bois or.

Pour rompre la monotonie, le sens du parcours est changé tous les ans par les organisateurs.

Je remplis le formulaire et je me concentre à nouveau sur mes skis à roulettes.

Je pratique les chutes. Il est important de savoir se casser la figure élégamment (on ne sait jamais, il y a peut-être un touriste Japonais qui filme).

Les méthodes d’entraînement que s’imposent les coureurs de bois sont extrêmement variées. Chacun a sa recette miracle: quelques longues sorties avec (ou sans) sac à dos, nombreuses longues sorties avec (ou sans) sac à dos, quelques courtes sorties avec (ou sans) sac à dos, nombreuses courtes sorties avec (ou sans) sac à dos… Pour ma part, une dizaine de sorties, avec sac à dos, sur le Mont Royal, me conviennent parfaitement. J’y pratique le saut à la crotte, les sprints devant chiens sans laisse et le slalom au milieu des marcheurs. C’est bon pour l’équilibre. Je m’entraîne aussi à répondre aux questions existentialistes des promeneurs (« C’est quoi qu’il y a dans le sac à dos? », « Maudit gros sac ») et à ne pas répondre aux remarques niaiseuses des mêmes promeneurs (« Tu transportes ton lunch? », « T’as combien de bières? »).

Le coureur de bois ne se contente pas d’entraîner ses muscles, il apprend aussi à gérer son stress. Régulièrement, les old timers se contactent pour se remonter le moral: « S’il n’y a pas de vague de froid, on ne pourra pas passer sur les lacs », « Ils ne peuvent pas tracer, il n’y a pas assez de neige », « S’ils ne trouvent pas de commanditaires, c’en est terminé pour le Marathon », « Le pont sur la Rouge n’est plus praticable », « Les frais d’inscription vont encore augmenter »…

De stimulation en stimulation, la semaine du marathon arrive enfin. Elle est consacrée pour la plupart à un gavage de spaghettis, pizzas et tartes au sucre. Pour les autres, elle se déroule devant Méteomédia. De toute façon, la gang se retrouve le vendredi soir à la même table, au motel. C’est Michel Leblanc qui s’occupe de la logistique: réservation du motel, navettes d’autos, souper. Il a aussi la délicatesse de placer les différents maîtres par affinités, dans les chambres: les couples ensemble, les ronfleurs ensemble, les angoissés tout seuls. On a parfois la visite de Pédro et Élise. Ils demeurent à Gatineau et dorment chez eux, mais ils viennent saluer le groupe.

Pédro a participé à tellement de Marathons qu’il a un numéro permanent. C’est le 62. Il connait tellement d’anecdotes qu’il les a numérotées. On lui demande la 47 et hop, il raconte une épopée marathonesque. Élise, c’est la fée du marathon (ou la mère Térésa, au choix). Elle suit son homme d’étape en étape. Ses cris d’encouragement et son sourire nous accueillent aux postes de contrôle. Elle nous tient au courant de la progression des amis: « Les Marion vont bien et vous saluent », « Michel Millet est fatigué, il n’a que deux heures d’avance sur vous », « Pierre Harvey et Michel Leblanc sont déjà au feu. Lâchez pas, il ne vous manque que trois étapes. », « J’ai vu Dereck, il est toujours amoureux. »

Marathon canadien de ski

©Marathon canadien de ski: www.csm-mcs.com

Entre deux platées de spaghettis et quelques bières, les coureurs de bois se retrouvent avec plaisir et émotion. Le plus difficile, c’est de se reconnaître. Je n’ai vu certains coureurs qu’en habit de ski. La moyenne d’âge étant plutôt élevée, calvities et cheveux blancs sont de rigueur. Allez donc reconnaître un maître (qui n’a plus beaucoup de poils) alors que vous ne l’avez toujours côtoyé qu’avec sa tuque.

En général, la nuit est courte. Les responsables: le stress et les montres-réveil (toutes programmées pour sonner à 4 h). Il faut en effet une bonne heure pour vider et remplir six fois le sac à dos (on s’assure qu’on n’a rien oublié). Ensuite, on risque un pas ou deux dehors. Brrr, c’est frisquet. On n’en part pas moins sur le plateau de départ. Grandiose. Des torches éclairent les premiers kilomètres de la piste. Autos, camions pour les bagages, autobus, skieurs, officiels, un vrai capharnaüm. Tout le monde court, s’affaire aux derniers préparatifs. On s’interpelle, on cherche un compagnon, on salue un ami, on encourage un nouveau venu, on se bat contre la froidure, on évacue un trop plein d’émotions, on fait la queue devant les toilettes portatives.

Au kiosque de fartage (Swix généralement) Fred et Yan sont à l’oeuvre. Ils fartent et fartent et refartent.

C’est le départ

6 h. Coup de feu du départ. Un long serpent de lampes frontales va s’étirer sur plusieurs kilomètres, jusqu’aux premières lueurs du jour. Spectaculaire. Les bottes sont gelées et les premiers pas sont consacrés aux ajustements: tuque, vêtements, sac à dos. Comme tous les ans, après avoir décidé maintes et maintes fois de prendre ça relaxe, on démarre comme des malades. On en a pour huit heures de ski mais il faut partir en fou.

C’est le Marathon…

Vous vous demandez comment se déroule une étape: on discute.

Les sujets de conversation ne manquent pas: éditions passées, soirée au feu, Rideau Lake(1), copains qu’on a rencontrés, copains qu’on va rencontrer, Marathon des années passées, Marathon de l’an prochain… Les anecdotes se comptent par centaines. Il est impossible de les recenser toutes. On se souvient tous du gars qui avait la photo de Jack Rabbit sur son sac, du gars qui n’avait qu’un bras, du gars qui dormait dans un condom géant (Dereck), de la fille qui dort dans sa tente (Sharon), des sempiternels premiers arrivés au feu (les Marion), du Père Noël (Phil), de nos derniers héros (Pierre, Michel, Daniel et François Guy), du gars aux skis de bois (Michel), de Jack Rabbit, de sa fille Peggie, de la doudoune de Luc (qui tient avec du duct tape), de l’année du verglas, de l’année ou il pleuvait au feu, de celle du -30 °C, de celle de l’aller-retour sur le même trajet… Avec Pédro, on peut parler huit heures de file.

Au fil des années, on a acquis de la pratique.

Ce sont les cris d’Élise qui nous accueillent à chaque étape. Ensuite, c’est son bec (pas avant d’avoir fait estampiller le dossard par les officiels).

Les nouvelles des amis sont la première préoccupation. On se dirige ensuite vers le ravitaillement. Il faut bien remplacer les milliards de calories (excusez: kilojoules) dépensées. Alors, on fait le plein (je devrais dire le trop-plein) de bagels, biscuits, glossettes, fruits secs, peanuts, jus, soupes, boissons énergisantes. Quel délice que de plonger à pleines mains dans les glossettes. Les bien pensants qui chialent contre le gavage des oies devraient venir admirer un Coureur de bois dans sa phase de remplissage.

Rassasiés, on passe au fartage. Il y a généralement un organisme qui s’en charge: Yéti, Fresh Air… mais le coureur de bois professionnel et « parfaitement autonome » s’arrange seul avec ses skis.

Visite aux toilettes portatives, bye-bye à Élise, nouvel estampillage du dossard et c’est reparti pour une étape. La bouche pleine de glossettes, on a de la difficulté à parler. Les premières minutes sont silencieuses, mais la déglutition une fois terminée, le social reprend de plus belle.

D’étape en étape, on arrive au feu (site de campement).

Puis la mi-parcours

Les coureurs de bois or forment une caste particulière. Les groupes qui se rassemblent pour la nuit, « au feu », sont formés depuis des années. Chacun y a sa place. Rares sont ceux qui changent de feu. Les nouveaux venus peuvent se joindre à un groupe d’amis ou bien former leur propre groupe. La routine est bien rodée:

  • aller se procurer le foin pour confectionner une litière;
  • transporter la botte de foin qui supportera nos fesses pour la soirée;
  • faire une corvée de bois pour s’assurer d’un bon chauffage;
  • changer les sous-vêtements mouillés pour un ensemble sec;
  • installer le « lit »: tapis de sol, sac de couchage (le coureur de bois ne transporte pas de tente);
  • préparer le souper (2) (principalement des mets déshydratés);
  • farter les skis, directement sur la flamme.

C’est l’heure du social. On n’est pas venu uniquement pour skier, on s’est aussi ins-crit pour rencontrer les amis. Et les amis sont là, autant en profiter. On organise généralement un concours de brûlage de bottes. Tous les Coureurs de bois or ont au moins fait fondre une chaussure dans leur carrière.

Les coureurs de bois sont fétichistes. Certains conservent le même matériel depuis des lustres. On reconnait untel à sa tuque, un autre par son costume (Serge a le même costume depuis qu’il a commencé à skier en 197…), un autre à son sac à dos, un autre par sa blonde (la même depuis des années). Les bénévoles (grand merci à tous) vont entretenir les feux toutes la nuit. On aura donc le plaisir de se réchauffer au sortir du sac de couchage.

Vers 4 h, la symphonie des montres-réveil tire les Coureurs de bois de leur béatitude et de leur sac de couchage. Pourquoi à 4 h? Pour avoir amplement le temps de se geler avant le départ de 6 h. Nouvelle routine:

  • petit déjeuner(3) (encore des poudres);
  • rangement du matériel de couchage;
  • chauffage et brûlage des bottes;
  • ajustement du sac à dos (qu’on réchauffe délicatement au-dessus du feu).

La fin approche

5h45, on décolle. Rendez-vous sur la ligne de départ, pour quinze minutes de congélation collective. Quel moment merveilleux: les jointures craquent, les articulations se coincent, les épaules souffrent, le cerveau hiberne. 6h, on reprend la route pour une journée sensiblement identique à celle de la veille. On se raconte les mêmes histoires, dans un ordre différent. Pour chacune des étapes, les deux derniers kilomètres sont les plus longs. En fait on ne sait pas si la pancarte 2 km annonce qu’il reste 2 km ou que dans 2 km, il reste 2 km.

Finalement, on arrive à l’arrivée (quel beau pléonasme). Becs à Élise, sourires pour les réseaux de télévisions, quelques interviews, séances d’autographes… la routine. C’est en autobus scolaire qu’on se rend jusqu’aux douches et au banquet. La première bière est liquidée en quelques secondes mais on prendra le temps de déguster les suivantes. Le marathon est terminé, on parle déjà du prochain. Le temps de saluer les amis, d’embrasser Élise et je reprends le chemin de ma cage en ville. Je vais me reposer; dans une semaine, c’est la Loppet Gatineau et il faut refaire ses forces. Bye-bye les amis, on se revoit l’an prochain.

(1) Randonnée de vélo de 360 km qui s’étale sur deux jours entre Ottawa et Kingston (aller-retour).
(2) Je préfère un numéro 3 de chez MacDo. Il se conserve parfaitement au froid pendant la journée et se réchauffe rapidement auprès du feu (et c’est plein de calories). De plus, dans un sac, le Quart de livre ne s’écrapoutit pas. Cette année, j’ai essayé le sunday au chocolat, mais il a fondu dans mon sac (la température était clémente).
(3) Je grignote les frites de mon numéro 3.

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