Un peu de repos
par Paul Junique
Salut les Maîtres! Entre le Marathon Canadien, la Keskinada et le Skiathlon de Rimouski, j’ai pris un petit repos à Forestville, au Défi Boréal.
Si vous n’y avez pas participé, vous avez manqué:
- le site: le plateau de départ est à quelques mètres de la chambre d’hôtel. On sort du lit, on chausse les skis et hop… sur la piste. Après la course, la douche est à 30 secondes de la ligne d’arrivée.
- le petit déjeuner: spécial pour les anxieux, il est servi à n’importe quelle heure de la nuit.
- le buffet de l’hôtel: il vaut le déplacement.
- le banquet: enfin un vrai souper! De plus on peut s’installer sérieusement au bar, la chambre est proche.
- les médailles: création d’une artiste locale, la mienne trône non pas sur mon rack à médailles, à la cave, mais sur mon bureau.
- la balade en traversier. Trouvez d’autres compétitions où on fait du bateau pour atteindre le départ.
- la course: lisez ce qui suit.
Sous un beau soleil, un vent faible et une température clémente (tout pour faire de l’événement un succès), le son de la corne annonce le départ du Défi Boréal de Forestville.
Le premier kilomètre donne aux cinq premiers skieurs l’occasion de creuser un petit écart et de prendre les commandes de la trentaine de participants du 100 km style libre qui vient de commencer.
De mon côté, je roule à bon train, entraînant dans mon sillage une dizaine de skieurs qui, très poliment, me laissent «tirer». La piste est large, bien traçée, agréable. Gentleman, après les huit premiers kilomètres, juste avant d’amorcer les premières montées, je laisse un autre skieur prendre le relais. Ni trop longues, ni trop abruptes, ces premières côtes sont sans pitié pour ceux qui ne maîtrisent pas bien la technique. Concentré sur mes «Rossignol», je n’ai même pas remarqué le 1er poste de ravitaillement.
Et la montée continue, entrecoupée de quelques belles descentes placées ça et là par les organisateurs, pour relaxer les muscles de nos jambes. Ah! oui, j’oubliais le petit pont de bois, totalement déneigé qui m’est apparu dans une descente, au sortir d’une courbe. Qu’est-ce qui m’a aidé à ne pas finir dans le ruisseau: l’instinct, la chance ou mon ange gardien?
Les faux plats se succèdent dans un décor de rêve. Si vous êtes amateur de pêche, vous arrêterez sûrement pour planifier vos prochaines vacances: les lacs que l’on longe ou contourne sont tous aussi attirants les uns que les autres. Malheureusement, on est en course et je n’ai pas le temps de rêver beaucoup. De plus, je tire assez souvent mon groupe de skieurs et je me sens plein de responsabilités. Il faut que je les ramène à bon port et en santé.
Avant la bifurcation du circuit de 38 km, les organisateurs nous ont recommandé la prudence. La descente est rapide et les virages, plutôt prononcés. J’ai négocié toute cette partie les fesses serrées (et les dents aussi), mais en parfait contrôle des mes «Rossignol».
Les postes de ravitaillement sont très accueillants. On s’y arrête régulièrement quelques secondes pour un verre de jus, un ou deux carrés aux dattes (j’en rève encore) et les encouragements des bénévoles. Skieurs, remerciez tous les bénévoles, parce qu’ils ont fait un excellent travail et ont grandement contribué au succès de l’événement.
Notre groupe de dix s’est considérablement réduit au fil des kilomètres. Nous sommes maintenant quatre. C’est plus difficile de faire du social, mais on perd moins de temps aux ravitaillements. Dans une des dernières descentes, Réjean Lévesque est tombé et s’est blessé au nez avec ses lunettes. Le visage ensanglanté, il a pris de nombreuses minutes pour nous rejoindre. Pas question de le laisser seul. Je lève le pied et ralentit l’allure. Dans un tel événement, on ne profitera pas d’une blessure pour distancer un compétiteur. C’est ça, la camaraderie. Le tempo légèrement ralenti, le groupe reste soudé. Devashish et moi tirons à tour de rôle; les deux autres s’accrochent.
Vers le 45e km, une longue descente annonce le début de la section plane qui mène à l’arrivée. Terminées les montées. On pourraît penser que c’est un avantage: pas pour moi. Moins de montées: moins de descentes, donc moins de récupération et des efforts continuels pour avancer. La fatigue commence à se faire sentir, j’ai de la difficulté à parler [un fait rarissime NDLR].
Au fait, vous vous demandez peut-être comment on se prépare pour un 100 km en style libre? Je vous livre ma recette. Je ne me suis pas entraîné en style libre. Eh oui, je demeure à Montréal où il n’y a pas grand place où pratiquer. Par contre il y a quelques kilomètres de pistes tracées pour le classique sur le Mont Royal. En fait cette année, il n’y a eu que deux ou trois traçages avant mon départ pour Forestville. La ville doit investir ailleurs… J’use donc mes skis de roche soit sur le Mont Royal, à raison d’une centaine de kilomètres par semaine, soit en compétition les fins de semaine. Pour m’endurcir la couenne, je participe au Marathon canadien de ski (j’en ai 25 à mon actif) et, comme je le fais en coureur de bois (je dors dehors), j’ai la peau qui s’habitue aux engelures. Mon test en style libre, c’était la semaine passée, au 50 km du Keskinada (j’y participe aussi depuis bien longtemps).
Revenons à notre «randonnée». Mon style devient de plus en plus minable. Par chance, il n’y a ni télévision ni photographe dans les derniers kilomètres. Merci aux organisateurs. Je serais gêné de me voir en déphasé sur du plat (les Maîtres vont penser que j’ai appris à skier avec…).
On a pris quelques secondes pour faire une rotation de nos skis, pour que l’usure soit plus uniforme. En fait ce fut l’occasion d’un petit repos. Réjean et Thomas McGee ont de plus en plus de difficulté à rester dans le groupe. «Ne lâchez pas les gars, il n’en reste pas beaucoup.» Devashish et moi, on s’est finalement retrouvé seuls, à partir du kilomètre 85. Mon cerveau est déconnecté depuis un bon moment. Branché sur le pilotage automatique, je termine la dernière portion en vrai zombi. Étonnamment, je ne souffre pas. Je trouve simplement le temps long. Maintenant que l’épreuve est presque terminée, je reste surpris de ne pas avoir eu envie d’arrêter, d’abandonner. Au risque de passer pour un masochiste, je pense même avoir eu du plaisir dans ces derniers kilomètres.
Une motoneige arrive vers nous. Le conducteur ralentit pour nous prévenir qu’il ne reste que 2 km. Rassurés, nous nous sommes offert une petite erreur de parcours. Pas grand chose, juste deux cent mètres, pour profiter au maximum de la piste. Et puis, au sortir d’une courbe, la ligne d’arrivée est apparue. On s’est tenu la main pour rentrer ensemble. Il y a six heures, je ne connaissais pas mon compagnon. Maintenant j’ai un nouveau copain de ski. Devashish, merci pour ta compagnie. On se revoit dans quelques jours aux Monts Valin… et au Défi 2006. On aura plein de souvenirs à se raconter, le temps passera plus vite.
La ligne d’arrivée passée, pendant que je décroche mes fixations, une petite fille blonde s’approche: «Félicitations, monsieur!». Je n’ai pas eu le temps de la remercier, mais ce fut le plus beau moment de la balade. Je pense que son papa était derrière l’ordinateur et rentrait les temps d’arrivée. Si c’est bien lui, qu’il remercie sa fille, elle a fait de ma course un succès!
Mai 2005
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