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Nov
01

Vieillissement et performance

Vieillissement et performance par Guy Thibault, Ph.D.

Difficile de trouver de bonnes nouvelles dans un article sur un thème pareil. Car il faut bien l’admettre, les fonctions physiologiques (et donc la performance physique et sportive) se détériorent inexorablement dès l’âge d’environ 25 ou 30 ans.

Oh, bien sûr, on connaît tous un Benoît Roy, un Buddy Couture, un Rolland Michaud, un Jean-Yves Babin ou un Douglas Wren qu’on peut citer en exemple pour braver le destin et affirmer que  » Vieillir ? Y’a rien là, r’garde lui et elle… À 50, 60 ou 70 piges y plantent des p’tits jeunes « . Mais, si on ne se laisse pas trop distraire par les prouesses de ces valeureux sur qui les années ne semblent pas avoir plus d’effet que la pluie sur le dos d’un canard, il faut bien admettre que, règle générale, la performance tend à diminuer avec l’âge.

Mais à quel taux?

C’est justement la question à laquelle se sont attaqués deux chercheurs de Nantes, en France. Ils ont (notamment) étudié les performances des 606 coureurs qui ont participé à la fameuse course de ski de fond  » La Transjurassienne  » de 1997 (écourtée à 55 km cette année-là, sur piste plutôt rapide).

La figure suivante illustre comment évolue la meilleure performance selon l’âge dans cette course. Si on ne considère que les records pour les âges compris entre 30 et 70 ans, on peut assez bien décrire l’effet du vieillissement sur la performance à l’aide d’une ligne droite. C’est par contre à l’aide d’une courbe que l’on décrit le mieux l’évolution des records pour l’ensemble des âges, de 20 à 90 ans. Le sommet de cette courbe correspond à un âge de 30 ans. Par la suite, la performance tend à diminuer et le taux de détérioration de la performance d’une année à l’autre est de plus en plus marqué au fur et à mesure qu’on vieillit.

Le patron d’évolution de la meilleure performance en fonction de l’âge est à peu près le même pour cette épreuve de ski de fond que pour le Marathon de Paris, une autre des épreuves étudiées dans cette recherche. Si on se fie sur ces données pour apprécier l’effet de l’âge sur la performance dans ce genre d’épreuves, on peut conclure que :

  1. Le temps de performance pour une course de ski de fond de 55 km augmente d’environ deux minutes par année d’âge, à partir de 30 ans, soit une augmentation du rythme au kilomètre d’environ trois secondes.
  2. La vitesse moyenne maintenue lors d’une compétition de 55 km diminue de 10 % par décennie (soit une augmentation de 18 % du temps de performance).

À l’aide des conclusions de cette étude, j’ai généré une table d’équivalence des performances pour une course de 55 km, selon la catégorie d’âge. Comme l’indique ce tableau, une performance de 5:03:00 pour un skieur de la catégorie 60-70 ans équivaut à des performances de 3:04:13, 3:20:10, et 4:02:36 pour des skieurs des catégories 30-40 ans, 40-50 ans et 50-60 ans, respectivement.

Temps de performance équivalents pour une course de 55 km en style libre, selon la catégorie d’âge

30-40 40-50 50-60 60-70
2:36:36 2:50:08 3:15:36 3:58:53
2:44:50 2:59:10 3:29:25 4:17:36
2:54:00 3:09:02 3:45:00 4:38:49
3:04:13 3:20:10 4:02:36 5:03:00
3:15:44 3:32:40 4:22:40 5:30:46
3:28:47 3:46:51 4:45:42 6:02:52
3:43:42 4:03:03 5:12:22 6:40:20
4:00:54 4:21:45 5:43:31 7:24:29
4:21:00 4:43:34 6:20:19 8:17:04
4:44:43 5:09:21 7:04:19 ———–

Il est évident que sans leur entraînement régulier et intensif, les aînés participant aux grandes épreuves de ski de fond (c’est-à-dire à peu près tous les membres de l’AMSFQ) ne pourraient avoir une condition physique aussi extraordinaire. En fait, il faut concevoir l’effet du vieillissement et l’effet de l’entraînement comme deux forces qui luttent l’une contre l’autre. La personne âgée de plus de 30 ans qui s’entraîne régulièrement et assidûment ne vieillit pas moins que la personne sédentaire (ou que celle qui s’entraîne moins), mais les effets du vieillissement sur ses fonctions physiologiques se manifesteront de façon moins prononcée.

Ainsi, le jeune adulte qui s’entraîne beaucoup et sans interruption verra sa performance augmenter pendant un plus grand nombre d’années et celle-ci diminuera de façon moins prononcée par la suite, comparativement aux gens du même âge qui sont moins assidus. La mauvaise surprise, vous l’avez peut-être déjà remarqué, c’est quand on doit stopper l’entraînement pour une période assez longue (à cause d’une blessure par exemple). C’est souvent dans ce genre de situation que l’effet du vieillissement  » nous rattrape « . Toutefois, lorsqu’on reprend l’entraînement après une interruption, le principe de l’opposition entre les effets, d’une part, de l’entraînement et, d’autre part, du vieillissement s’applique : avec un entraînement bien structuré et régulier, on reprend vite la forme et on atténue les effets du vieillissement.

En conclusion, il faut admettre qu’après 30 ans, le processus de vieillissement fait son œuvre diabolique sur nos fonctions physiologiques. Par contre, plus on s’entraîne (et mieux on s’entraîne), plus on retarde la manifestation des effets (inéluctables) du vieillissement (1).

Tout ça pour dire que vous les Benoît, Buddy, Rolland, Jean-Yves et autres Douglas, on vous admire !

Référence :

Gionet, J. et S. Louvet, L’évolution de la performance sportive avec l’âge, Médecine du sport, 72(3) : 106-115, 1998.

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1 Je l’avais bien dit qu’il était difficile d’annoncer de bonnes nouvelles dans un article sur le vieillissement !

Novembre 1998

 

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