» Forca Canada, forca Québec ! » par Louise Poirier
C’est grâce à ce cri que m’ont lancé des centaines d’Italiens et d’Italiennes que j’ai pu compléter le 63 km en pas de patin de la Marcialonga en janvier dernier. Soixante-trois kilomètres de pistes enneigées, de la neige crachée par des canons à neige ou transportée par des camions; cet hiver en était un autre trop doux et trop sec. Soixante-trois kilomètres d’un étroit ruban blanc traversant une quinzaine de villages en fête pour l’occasion. Cinq mille participants glissant sur ce tapis bien damé au cœur des abruptes montagnes du nord-est de l’Italie, les Dolomites. Quelle expérience !
C’est le 25e anniversaire qui m’a attiré à la Marcialonga avec Claude Laramée, un autre organisateur de la Keskinada Loppet dans le parc de la Gatineau, à Hull. Pendant ce temps, Jean-Arthur Tremblay, un autre ami skieur du Saguenay, ratait son voyage, mobilisé pour reconstruire le réseau d’électricité de Hydro-Québec foudroyé par les pluies verglaçantes.
Nous avons pris un vol jusqu’à Munich, puis le train jusqu’à Bolzano, une vallée de vignobles. Ensuite, nos amis italiens sont venus nous chercher en bus et nous ont fait grimper sur ce plateau montagneux de la vallée de Val di Fiemme où les sports d’hiver sont rois : saut à ski, ski alpin, surf des neiges, biathlon, ski de fond, luge… Un petit paradis avec les meilleurs spaghettis carbonara au monde arrosé d’un bon rouge inoubliable, le Pino nero.
Le matin de la course, il faisait un beau soleil et -5° C. La course commence par un coude à coude particulièrement coloré pour se faufiler vivant avec son équipement dans la foule des skieurs. Un » gracie » [merci] ici, un » basta » [c’est assez] par là et voilà les dix-sept premiers kilomètres en montée de franchis. Le parcours devient plus facile et le cordon de skieurs commence un peu à s’étioler. On fait la file dans les montées et dans les descentes en traversant un village entre ses murs anciens, un à la fois. Les carabiniers estampent nos dossards au point de contrôle. J’entends d’autres » Forca Canada, forca Québec » comme s’ils saluaient de leur parent immigré de Montréal ou Toronto. Au poste de ravitaillement, j’engouffre un peu de thé chaud et sucré, quelques prunes sèches et pas question de goûter à cet alcool du pays si je veux finir la course. Et hop, un sourire aux caméras de télévision qui présentent en direct cette course grandiose regardée par six millions de téléspectateurs.
Si un jour vous y allez, rappelez-vous ceci : il faut garder de l’énergie pour les trois derniers kilomètres crève-cœur qui montent en serpentin de la vallée au village de Cavalese. L’enfer ! Mais la foule est là autant pour nous voir pâtir que pour nous encourager dans ce sprint final. Le russe Mikahil Botvinov gagne la Marcia en 2 h 28 min 31 s, l’italienne Guidina Dal Sasso en 2 h 48 min 43 s, Claude Laramée est très heureux de son 4 h 19 min 33 s [1 342e et moi de mon 5 h 11 min 40 s [2 199e sur 4 274 finissants]. Le dernier skieur aura complété le parcours en 7 h 30 min, pas mal pour un maître de 71 ans !
Chère Marcialonga, je ne t’oublierai jamais et qui sait peut-être qu’un jour je pourrai franchir ton parcours complet de 70 km écourté cette année à cause du manque de neige. De t’avoir rendu visite me fait dire, une fois de plus, que participer à une course du circuit Worldloppet, c’est un rêve qu’il ne faut pas attendre trop tard pour réaliser, que ce soit en Europe, en Australie, en Asie ou en Amérique. L’an prochain, j’irai probablement fêter le 75e anniversaire de la Vasaloppet en Suède : 90 km en classique. Vous venez ?
Mai 1998
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