La gestion du poids… ou de l’image ? par Pierrette Bergeron
Dans notre société, l’image a acquis une place importante. Chez les personnes sportives, la silhouette préoccupe même plus que dans d’autres groupes de la population. » Ce n’est pas pour rien qu’on dépense toutes ces calories « , n’est-ce pas ?
Quand on parle de gestion du poids, on pense généralement à une diminution de la masse grasse et, quelques fois, à une augmentation de la masse musculaire. Dernièrement, j’ai eu plusieurs questions concernant certains produits et régimes. Je vous propose donc de discuter brièvement de Reduxtm, du régime 40-30-30, des régimes en général et de l’augmentation de la masse musculaire.
Reduxtm
Le dexfenfluramine [Reduxtm] est une version raffinée du fenfluramine [Pondéraltm]. La nouveauté, c’est que l’isomère » dex » a été isolé et donc, que le produit n’a plus ses effets secondaires dépresseurs. Cependant, sa consommation présente différents effets secondaires potentiels, certains bénins mais d’autres graves, comme l’hypertension pulmonaire primitive, très rare en temps normal mais mortelle dans 50 % des cas après quatre ans.
L’action du Reduxtm est d’augmenter la sensation de satiété et ainsi réduire la consommation alimentaire. On peut cependant s’interroger quant à la pertinence de son utilisation. Les effets secondaires augmentent après trois mois de consommation et on ne connaît pas les effets d’une consommation à long terme. De plus, l’efficacité s’émousse avec le temps; les gens ne perdent presque plus de poids.
Santé Canada a publié une mise en garde stipulant la période d’utilisation d’au plus trois mois et l’indication chez des personnes ayant un IMC de 30 et plus ou de 27 et plus avec d’autres facteurs de risque. En aucun cas, son utilisation n’est indiquée chez les personnes qui ne sont pas » hypothéquées » au plan de leur santé.
Le régime 40-30-30
Ce régime est présenté dans le livre » The Zone » écrit par Barry Sears, ancien chercheur au Massachusetts Institute of Technology et créateur de la PR Bar. Ce régime, où 40 % de l’énergie provient des glucides, 30 % des lipides et 30 % des protéines, contraste de façon marquée avec nos recommandations habituelles de 60 %, 25 % et 15 % de l’énergie. C’est peut-être ce qui attire sportifs et athlètes.
Selon l’auteur, les athlètes peuvent atteindre » La zone « , un état euphorique, sans effort, où le corps et l’esprit travaillent au maximum de leur efficacité permettant une performance maximale. Sears attribue ces effets bénéfiques à l’altération des éicosanoïdes [ÉI], qu’il qualifie de système hormonal le plus puissant contrôlant toutes les fonctions physiologiques. » La zone » est atteinte lorsque l’organisme produit plus de » bons « ÉI que de » mauvais « . Le régime, qui recommande trois repas [500 calories] et deux collations [100 calories], permettrait d’équilibrer les hormones insuline et glucagon, augmentant ainsi les bons ÉI. Sears prétend qu’une alimentation élevée en glucides nuit à la performance et fait engraisser; il recommande de limiter les glucides pour réduire la sécrétion d’insuline qui favoriserait les mauvais ÉI.
Les ÉI sont des substances biologiquement actives, semblables à des hormones, comprenant les prostaglandines, les thromboxanes et les leukotriènes, qui sont synthétisés à partir d’acides gras insaturés à chaîne de 20 atomes de carbone; différents types d’ÉI sont synthétisés à partir des acides gras oméga-6 comparés aux oméga-3 [oméga fait référence à la position du premier lien insaturé].
Les ÉI ne sont pas considérés comme le système hormonal le plus puissant de l’organisme et les classifier en » bons » ou » mauvais » est trop simpliste. Plusieurs hormones, qui ne sont pas contrôlées par l’insuline, affectent la production d’ÉI. Le lien insuline-ÉI est décrit au mieux comme faible et indirect.
Si on n’est pas biochimiste, ces notions sont plutôt complexes. Mais quand Sears dit qu’avec une proportion plus élevée de gras on pourrait maigrir, on devient intrigué. Malheureusement ou heureusement, cette hypothèse n’a pas été vérifiée. Par ailleurs, il a été prouvé que chez des athlètes très entraînés ayant des réserves de glycogène peu élevées [donc, qui dépendent plus de l’oxydation des acides gras comme source d’énergie], il était difficile de maintenir des intensités au-dessus de 70 % du VO2max. De plus, on sait que les acides gras utilisés durant un exercice proviennent principalement de source intramusculaire plutôt que du tissu adipeux, en particulier lors d’intensités plus élevées. Ces acides gras intramusculaires doivent être remplacés après un entraînement; on a deux choix : soit les acides gras libérés par le tissus adipeux [réserves de graisse corporelle], soit du gras alimentaire. Donc, la plupart du temps, la perte de masse grasse est due aux calories totales dépensées, peu importe le carburant utilisé par l’organisme durant l’exercice. Et puisque c’est bien prouvé que les réserves de glycogène sont en relation avec la performance, on a plutôt intérêt à consommer surtout des glucides après un exercice et à perdre un peu de tissus adipeux !
Dans le régime » The Zone « , l’apport en calories très faible a sans doute un lien avec l’amaigrissement !
Quelques faits sur les régimes
Un régime se définit comme un déficit notable entre l’apport et les besoins énergétiques individuels, même si les portions minimales du Guide alimentaire canadien sont respectées.
- 95 % des personnes qui suivent un régime n’arrivent jamais à maintenir leur nouveau poids.
- Les jeunes femmes au régime » un jour sur deux » pèsent en moyenne 5 kg de plus à la fin de l’année que celles qui n’ont pas fait de régimes.
- Dans le syndrome du » yo-yo « , la perte de poids devient de plus en plus difficile et le gain de poids de plus en plus rapide.
- La plupart du temps, les régimes font perdre de l’eau et des muscles.
- La perte d’eau initiale stimule la sécrétion d’hormones qui ralentissent la perte de poids.
- Les régimes font diminuer le métabolisme; moins d’énergie est dépensée pour les fonctions vitales.
- Une femme sur 100 au régime devient anorexique.
- La première crise boulimique survient souvent après une diète restrictive; c’est une réaction de l’organisme au manque d’énergie et peut être le début du cercle vicieux de la boulimie.
À défaut d’une évaluation nutritionnelle individualisée, voici mes suggestions pour maigrir et surtout se maintenir :
- Se donner du temps.
- Choisir des aliments riches en glucides et faibles en matières grasses, comme le pain, les pâtes alimentaires et les pommes de terre [la satiété serait reliée à la quantité de glucides ingérée plus qu’à la quantité de gras]. Il faut plus d’énergie pour convertir les glucides en graisse que les matières grasses en graisse. De plus en plus d’études démontrent qu’un surplus de calories sous forme de glucides serait moins engraissant que le même surplus sous forme de matières grasses.
- Prendre un gros plutôt qu’un » petit » déjeuner et réduire le souper.
- Ne pas sauter de repas.
- Manger lentement.
- Manger ses aliments préférés assez régulièrement [même si c’est de la poutine !].
- Se demander si on mange parce qu’on est fatigué, stressé, qu’on s’ennuie ?
- Boire de l’eau.
- Pratiquer une activité aérobique très régulièrement; les éducateurs physiques suggèrent de varier les intensités lorsque la forme le permet.
Cette approche vise une modification d’habitudes à long terme et n’amène pas de résultats spectaculaires.
Masse musculaire
La première condition pour augmenter sa masse musculaire, c’est de suivre un programme d’entraînement spécifique, c’est bien connu. Au point de vue nutritionnel, c’est l’apport énergétique et non l’apport en protéines qui est le facteur limitatif; autrement dit, il faut surtout manger assez.
L’effet de stockage protéique des glucides est aussi confirmé, c’est-à-dire qu’une alimentation élevée en glucides, combinée à une sensibilité à l’insuline, favorise la synthèse des protéines musculaires. La sensibilité des muscles à l’insuline augmente avec l’entraînement.
Donc, pour ceux et celles qui désirent accroître leur masse musculaire, il faut s’assurer que les besoins énergétiques sont satisfaits par un apport adéquat en glucides et ensuite vérifier si les besoins en protéines sont comblés.
C’est possible de modifier notre silhouette, dans la mesure de nos possibilités génétiques, en adoptant une approche équilibrée, individualisée et en se fixant des objectifs réalistes [c’est habituellement avec cette étape qu’on a de la difficulté].
Références
- COLEMAN, E. (1996). » The BioZone Nutrition System : A Dietary Panacea ? « , Int. J. Sport Nutr., vol. 6, no 1.
- CONSEIL CANADIEN DES SCIENCES ET DE LA MÉDECINE DU SPORT (1995). Sport et nutrition pour les athlètes du Canada – Manuel de formation du titulaire de cours.
- HILL, O. et COMMERFORD, R. (1996). » Physical Activity, Fat Balance, and Energy Balance « , Int. J. Sport Nutr., vol. 6, no 2.
- MONGEAU, L. (1997). » Comité sur les traitements de l’obésité « . Contact, vol. 3, no 3.
- RASIO, E. (1988). » Conséquences des régimes amaigrissants sur le métabolisme « . Le point I.N.N., étude no 6.
- SHERMAN, M. et LEENDERS, N. (1995). » Fat Loading : The Next Magic Bullet ? « , Int. J. Sport Nutr., suppl. vol. 5.
- » Commonly Asked Questions Regarding Nutrition and Exercise : What Does the Scientific Literature Suggest ? « , Sports Science Exchange Roundtable, Fall 1992.
- » Current Thoughts and Practical Considerations Concerning Substrate Utilization During Exercise « , Sports Science Exchange Roundtable, Spring 1992.
Avril 1997
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