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Jan
01

Le coeur de la question

Le cœur de la question par Louise Poirier

Les hommes sédentaires et inactifs sont vulnérables aux maladies cardiaques. Mais ce n’est là que la pointe de la « bedaine ».

Guy a eu son premier infarctus à 33 ans. Christian, lui, avait 28 ans lorsque c’est arrivé. C’est bien jeune, direz-vous, surtout que la maladie coronarienne s’attaque généralement à des hommes âgés dans la cinquantaine. Mais les temps changent, comme l’explique le Dr Denis Coulombe, cardiologue et responsable du Programme de prévention des maladies cardiaques à l’Hôpital Laval de Québec. « Depuis quelques années, on voit de plus en plus de jeunes hommes et de jeunes femmes qui ont un problème cardiaque. C’est une constatation qui n’a rien de scientifique; je note plutôt une tendance. Or, 90 % de ces jeunes patients présentent l’un des deux (ou les deux) facteurs de risque suivants : ils sont de très grands fumeurs et ils font de l’hypercho-lestérolémie. »

Les maladies cardiovasculaires (MCV) sont la première cause de mortalité au monde. Le Canada ne fait pas exception à la règle. En 1995, elles ont causé 37 % des décès, suivies par le cancer, avec 28 %. Proportionnellement aux autres maladies, les MCV font de moins en moins de dégâts (38 % des décès en 1992) parce que la population a modifié certaines de ses habitudes de vie, que les soins médicaux se sont améliorés et que les techniques chirurgicales — comme le pontage et l’angioplastie — font des miracles. Mais reste qu’un nombre croissant de gens meurent d’une MCV au Canada : 79 117 en 1995 par rapport à 75 221 en 1992.

Les deux catégories de MCV les plus meurtrières sont l’accident vasculaire cérébral et, dans un plus grand nombre de cas, les cardiopathies ischémiques (comme l’angine de poitrine, l’infarctus aigu du myocarde, l’ischémie coronarienne chronique et la mort subite). À elles seules, ces maladies totalisent 75 % de toutes les mortalités dues aux MCV. L’arté-riosclérose, une dégénérescence (ou un durcissement) des artères, est l’une des grandes coupables. Fréquemment, elle est accompagnée d’hypertension artérielle.

Il y a des facteurs de risque non modifiables lorsqu’il est question de maladie cardiaque. Prenons le cas de Guy. Même s’il a été un compagnon d’entraînement de Gaétan Boucher dans sa jeunesse, son héritage génétique le poursuit : son père est décédé d’un infarctus à 55 ans et sa mère vit avec un taux de cholestérol très élevé. Guy a commencé à souffrir du diabète à 20 ans. En plus, il est un homme. En effet, si les femmes sont relativement immunisées, grâce à l’œstrogène, les hommes semblent plus vulnérables aux troubles cardiaques. Comme bien du monde, lorsqu’il est arrivé sur le marché du travail, Guy a négligé sa condition physique. Mais bon, rien ne le laissait croire qu’il serait victime d’un infarctus à 33 ans. « J’ai mis bien du temps à accepter que j’avais une maladie de vieux ! »

Aujourd’hui, Guy a 39 ans et il a pris les grands moyens pour bien vivre. Il mange mieux, fait de l’activité physique et il suit de près son diabète.

L’inactivité physique est reconnue depuis peu comme un facteur de risque aussi important que le tabagisme ou l’hyper-cholestérolémie. Les recherches de l’équipe de M. Jean‑Pierre Després, Ph.D., du Centre de recherche sur les maladies lipidiques de l’Université Laval, ont récemment désigné — et qualifié — le nouveau facteur de risque : le « syndrome de la sédentarité ou de l’insulino-résistance ». La question que s’est posée son équipe : comment est‑il possible que 50 % des gens qui ont un problème cardiaque n’aient pas un taux de cholestérol élevé ?

C’est dans l’obésité abdominale et la résistance à l’insuline qu’ils ont obtenu la réponse. Comme l’explique M. Després, les hommes qui ont une « bedaine » dure et qui ont « l’air d’être enceinte de 6 mois » ont une masse importante de graisse dans la cavité abdominale. Même si leur taux de cholestérol est normal, on a constaté qu’ils ont un taux d’insuline et d’apoliprotéine B (apo B) plus élevé que la normale. « C’est ce qu’on appelle le syndrome de la sédentarité, facilement détectable par l’obésité abdominale. »

M.  Després conseille aux médecins de mesurer non pas le poids de leurs patients, mais plutôt leur tour de taille. Une « bedaine », c’est la réalité d’un homme sur quatre de plus de 40 ans et, approximativement, d’une femme postménopausée sur cinq. À ceux-là, il recommande d’ailleurs une évaluation de l’apo B et de l’insuline.

Mais M. Després a une bonne nouvelle : le meilleur remède pour contrer le syndrome de la sédentarité est l’exercice physique. « L’exercice modéré mais prolongé, de préférence tous les jours, à raison d’une heure mais à faible intensité, fait fondre la graisse abdominale, provoque une baisse de l’apo B et diminue la résistance à l’insuline », affirme M. Després.

Bref, ne laissez jamais la vie gruger le temps que vous consacrez à l’exercice physique. Réagissez avant que votre médecin vous dise : « Venez, on va mesurer votre tour de taille ! ».

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