Tous présents, un absent… par Paul Junique
Montréal, pas de neige. Drummondville, pas de neige. Québec, pas de neige. Camp Mercier, peu de neige. Forêt Montmorency, de la neige. Ouf ! On va pouvoir skier. C’est en partie pour ça que je viens d’arriver au Camp des maîtres, édition 1996, un peu triste cependant; Carole n’est pas avec moi, elle travaille beaucoup et n’arrivera que demain. Pour me remonter le moral, j’ai écouté, sur la route, une vieille cassette de Janis Joplin. Ça me rappelle ma jeunesse. À cette époque, on n’avait pas besoin des cours de offset de Fred; on était tous déphasés.
Un petit tour à l’accueil pour saluer Michel [Bédard] et prendre les nouvelles des amis. J’en profite pour jeter un coup d’œil à la liste des participants. Quel plaisir d’y lire tous ces noms qui sentent bon l’hiver et la neige.
J’ai déchargé l’auto et rejoint ma chambre. Je dois farter avant demain matin, car mes skis ont encore le fartage du printemps passé : klister, feuilles, kleenex, épines de pins. Les semelles une fois prêtes, j’ai retrouvé les amis dans les couloirs. J’ai serré des mains, donné des becs et surtout, j’ai fait le plein de sourires et d’amitié. Chacun a quelque chose à raconter : histoires de vélo, comptes rendus d’entraînement automnal, descriptions de nouveaux matériels… le tout ponctué d’accolades, d’éclats de rire et de bonne humeur. J’espère que personne n’essaie de dormir.
Onze heures, dodo. Pas de ronfleurs à droite, pas de toilettes à gauche, merci messieurs les organisateurs. Ma nuit va être calme. J’ai rêvé que Carole recouvrait le mont Royal avec des tonnes de neige et que le traceur de pistes la suivait. C’était vraiment un beau dodo.
À 6 h 30, j’ai arrêté mon rêve et après mes ablutions matinales, j’ai rejoint la cafétéria pour le premier déjeuner en famille.
C’est Serge [Mathieu] qui m’a salué en premier. Lui, il a le sourire à l’année longue; il est à la retraite. Alors, il pédale, il court, il skie, il vit en souriant. Et c’est contagieux. Il m’a collé son sourire pour trois jours [au moins]. Pierre [Bolduc] a lui aussi été contaminé; il est resplendissant.
J’ai salué beaucoup de maîtres. J’en avais mal aux avant-bras avant même d’aller tester ma double poussée. Jacques [Fecteau] est là, habillé en Monsieur Rossignol, avec un bel habit jaune Toko, mais avec des taches noires. Les maîtres hullois sont aussi de la fête. Je vous en parlerai plus tard, je dois à tout prix atteindre la cafetière. Aloïs [je ne suis pas capable d’écrire son nom de famille] m’a devancé. Il a une tasse pleine de café fumant et un plateau plein de » maître gourmand « . Aloïs, c’est un de mes maîtres en classique : bonne glisse, élégant, beau style. Si j’avais sa maîtrise du ski, je serais certainement dans le Who’s who des fondeurs.
J’arrête un peu, il faut que je m’alimente. J’ai donc rempli deux plateaux. Un avec cholestérol, l’autre sans cholestérol. J’ai prévu qu’en cas de passage de Pierrette, ma » nutritiologiste » préférée, je mange dans le plateau numéro 2. Dès qu’elle s’en va, je mange dans le plateau numéro 1. Si elle s’installe en face de moi, je mange les deux plateaux; il n’est pas question de gaspiller des calories face à une spécialiste en bon gras et en mauvais gras. Je n’ai pas vu Pierrette, mais j’ai fini les deux plateaux, histoire de me faire un fond avant d’aller skier.
Pour ceux et celles qui n’ont pas été aux ateliers, quelques mots sur celui de offset vous feront regretter de ne pas y avoir assisté.
Inutile de présenter Alfred [Fortier]. Monsieur offset est connu internationalement. D’ailleurs, cet été, il est parti en Floride pour recevoir son diplôme de déphasé avancé. Attention ! Ce n’est pas une nouvelle technique qui consisterait à avancer son déphasé. Il s’agit plutôt d’un cours de déphasé pour ceux qui sont assez déphasés pour être avancés. Donc, si vous avez participé l’an passé au cours de déphasé, vous pouvez suivre, cette année, le cours avancé. Par contre, si comme moi vous avez échoué le cours de déphasé de rattrapage cet été, il vous faudra suivre le cours de déphasé allégé. Ça paraît compliqué, mais Fred explique tout ça mieux que quiconque.
La piste du belvédère était parfaite en classique. Fraîchement tracée, elle offrait une excellente glisse. Je m’en suis rendu compte, surtout dans les descentes parce qu’en montées mes skis étaient freinés par un manque de souffle et une carence en puissance. Martin [Massicotte] et Robert [Faltus] avec qui je partage ma glisse ont pourtant l’air à l’aise. Ils ont dû s’entraîner cet été.
J’ai eu un » lift » pour retourner à la cafétéria. C’est Lise [Demers] qui m’a ramené. Merci Lise, sans toi je n’aurais pas eu assez de temps pour remplir mon réservoir en calories.
J’ai mangé pour deux. Carole n’étant pas là, je ne voulais pas qu’il y ait des restes. Puis le social a repris autour du café. Mais pas pour longtemps, à cause de la séance de patin de l’après-midi. On a laissé nos tasses et on a chaussé les skis. Le code de déontologie du » offseteur » interdit le port de la tasse de café sur les pistes. Si on avait terminé le repas avec une petite bière, on aurait pu l’amener avec nous. La bière, c’est permis, pas le café. Alfred vous le confirmera.
IMCO au complet patine. Sylvie, Christiane[s], Nadine, Michèle, Sarto, Marc, Martin, André, Michel… Des sorties en groupe ça améliore la banque de potins.
C’est la nuit et la menace d’une douche froide qui nous ont ramenés à nos chambres pour la séance d’étirement.
Souper : la nourriture est excellente et j’ai encore pris deux plateaux. Je me suis assis face à Jacqueline Gareau. Un honneur pour moi. Quand elle s’est levée et dirigée vers le comptoir, j’ai foncé, je l’ai rattrapée et doublée. Je suis plus vite qu’elle pour aller chercher un deuxième dessert. De quoi être fier.
Après le café, atelier de fartage. C’est Côme [Desrochers] qui joue le rôle de Monsieur Toko. Rien de bien neuf cette année. Ah ! oui, les prix continuent de grimper. J’ai quand même retenu pour vous quelques bonnes nouvelles :
• Fini les vieux tabous. On peut enfin mettre un fart mou sous un fart dur sans passer pour un « farteur » du dimanche.
Par contre, Côme a admis ne pas savoir comment faire pour glisser un klister mou sous un fart dur déjà appliqué.
• Le stone-grinding n’est plus réservé qu’à l’élite. Vous aussi pouvez prendre la chance de détruire votre base pour une trentaine de dollars.
• Les brosses rotatives sont populaires, surtout pour les familles nombreuses, le décapage des rampes d’escaliers et le cirage des chaussures. Ski Québec recevra bientôt les résultats d’une étude concernant le déneigement d’une familiale compacte avec une brosse rotative en crin de cheval. Si ces résultats sont concluants, je m’achète une Ford Escort familiale. J’ai déjà une brosse rotative.
Gavé de nouvelles connaissances, j’ai rejoint ma chambre et Carole qui vient d’arriver. La suite est personnelle jusqu’au samedi matin.
René [Dufour] a rêvé qu’il cassait un de mes bâtons. J’ai vérifié, c’est faux.
Petit déjeuner copieux, poignées de mains nombreuses, ski classique merveilleux. Tel fut le bilan de la matinée. La piste du belvédère a été rallongée de quelques kilomètres. Avec Martin [Massicotte], René [Dufour], Robert [Faltus] et les mont-orfordois, on a fait plusieurs tours avant de rencontrer le skieur du Motel des Berges avec qui on a terminé le social en zone 1.
Comme tous les jours, le dîner fut gargantuesque. En face de moi, les hullois Rosaire [Cormier] et le deuxième plus médaillé coureur du Marathon canadien de ski [que je félicite]. On se rencontre une fois l’an au marathon. Alors, vous pensez que je n’ai pas laissé passer l’occasion de jaser avec eux, au chaud devant un bon repas.
L’après-midi, avec quelques maniaques, dont Michel [Bédard], on s’est offert la montée Cascade. C’est une belle descente ou une montée écœurante, ça dépend du sens qu’on choisit. Nous, on a pris le sens écœurant. Au souper, on avait les jambes tendues et les bras endoloris. Double ration de dessert; ça aide à récupérer. Les massages aussi. Je n’ai pas eu le temps d’y aller. J’en ai visualisé un, mais c’est moins efficace.
Salon du ski, remise des médailles du Championnat des maîtres, dégustation à Gaston. Soirée chargée.
Commençons par le Salon du ski. C’est extraordinaire, tous les manufacturiers ont amélioré leurs semelles. Ils ont tous la plus rapide, la plus facile à farter et la plus performante. Et ce n’est pas tout. Tous ont le seul système fiable qui permet de choisir la cambrure exactement adaptée à votre poids, à votre taille et à votre habit de ski. Malheureusement, aucun n’a un ski parfaitement adapté à votre budget. Dans mon cas, ce n’est pas grave. À Montréal, je skie exclusivement sur skis de roches et comme par hasard, aucun manufacturier n’en fabrique.
Vint ensuite la remise des trophées. Sous les applaudissements, les récipiendaires sont allés recevoir leurs médailles. C’est émouvant de les voir revenir, sourire aux lèvres, or, argent ou bronze au cou, prêts à signer des autographes. Et puis ça rappelle les bons moments de l’hiver passé et toutes ces compétitions où ils m’ont certainement tous doublé.
Les organisateurs, par la voix de Léon [Simard], ont honoré Monsieur Girard et Douglas [Wren]. À 76 ans, ce dernier use encore ses semelles sur les pistes de la Province. Bel exemple pour les jeunes et pour nous tous. Il a eu droit à une belle lettre lue d’une voix de maître par un skieur dont je n’ai malheureusement pas mémoire du nom. Bravo Douglas. À bientôt sur une piste.
Plusieurs surprises nous attendaient. Je soupçonne Léon de les avoir organisées. Tout d’abord, les prix de participation. Je n’ai rien gagné. Pourtant, j’étais le seul à avoir 2 543 billets. J’avais des chances, mais pas le temps de vérifier les numéros.
Ensuite, Madame Results a fait tirer une caisse de boisson Results. Je n’ai rien gagné. Pour finir, les gagnants du bingo ont été annoncés. Je n’ai toujours rien gagné. J’ai donc noyé ma déception dans la boisson de Gaston.
Vous allez être déçus. Je n’ai plus les mots pour décrire ses produits. C’est Got et Milhot qui vont prendre la relève l’an prochain. Ça dépasse mes compétences. Alors, à court de vocabulaire, je goûte; c’est plus facile.
Il y avait une dizaine de vins différents. J’ai surtout remarqué le blanc et le rouge. Je ne me souviens pas très bien de la fin. Madame Keskinada voulait m’inscrire au 50 km patin. Aloïs cherchait la cuvée 1958 [une des meilleures du vignoble de Stoneham]. Gilles [Parent] me racontait » le bon vieux temps « . On se connaît depuis vingt ans, mais la vie nous avait séparés depuis quelques années. Alors, on a bouché la séparation à grands coups de rouge. Gaston orchestrait la dégustation, remplissait les coupes, décrivait les robes, dispensait les conseils, critiquait les arômes, toujours attentif aux goûteurs. J’ai » offsété » jusqu’à mon lit.
Dimanche matin, vingt centimètres de belle neige recouvraient les autos. La météo est au centre de toutes les conversations. Pleut-il à Montréal, grésille-t-il à Drummondville, verglase-t-il à Rimouski ? En tout cas, il fait beau autour des maîtres.
La dernière sortie se fera en classique. Avec les amis, on va se gaver de glisse avant de se gaver de dessert. Un vent de nostalgie souffle sur nos tuques. Dans quelques heures on se dit bye-bye et à la prochaine course.
Merci les maîtres, votre présence justifie les efforts des organisateurs et les sacrifices dus à l’entraînement.
Avant de partir, je vous envoie mes meilleurs vœux de belle neige, de bon ski et de belles compétitions. Et puis, je prends quelques lignes pour quelqu’un qui m’a beaucoup manqué cette année. Un skieur qui nous a quittés pour un endroit où la neige doit être toujours belle, avec des pistes magnifiques. Un skieur qui m’a appris à farter. Un skieur qui m’a montré comment serrer les dents quand on commence à avoir mal et qu’il reste encore plein de kilomètres avant l’arrivée. Un skieur que je vais envier longtemps et que je rejoindrai un jour au paradis des skieurs. Salut Yves ! Tu me manques.
Avril 1994
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