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Fév
01

Des mésanges sur nos fourchettes

Des mésanges sur nos fourchettes par Jean St-Hilaire

Heureuse entrée que celle où la nature exhausse Rousseau en donnant le bénéfice du doute au bon sauvage. Oui, bienheureux pays que celui où le geai gris, la pie dite voleuse et les non moins détrousseuses mésanges et sittelles viennent batifoler au bout de nos fourchettes, et le fin renard quitter sa réserve pour éprouver à sa manière le libre échange.

Nous étions, début décembre, 134 à nous vautrer dans l’enivrant terreau neigeux de la Forêt Montmorency. De vrais veaux à leur premier pâturage de printemps ! Ce troisième camp d’entraînement des maîtres aura été le plus gros : on dénombrait 80 pistards au premier, une centaine au second. Centre trente-quatre et c’est sans compter les 22 massothérapeutes et la vingtaine d’intervenants et conférenciers qui sont venus insuffler un peu plus de science à nos maîtres élans, mais aussi, un peu plus de résignation à nos humaines limites. Heureusement ou malheureusement, c’est selon, on s’est aussi entendu dire que, peut-être, quelques billets — pas les verts, les rouges — bien lissés pouvaient ajouter une cinquième roue au carrosse de nos illusions… Faites rêver et vendez ! Je le dis sans malice, on peut créer là-dedans comme en tout. Créer des trappes à profits, eh ! oui, n’en sommes-nous pas tous et toutes ? Mais aussi des onguents de liberté. Bien entendu, tous ces propos sur le dernier cri du ski n’ont pas entamé d’un micron ma superbe circonspection. Toutefois, entre vous, moi et la boîte à bois, je vous confesse que mon nécessaire de fartage s’est alourdi de quelques milligrammes de belles promesses…

Parlant de fartage, le camp m’a permis de tester un produit hors-commerce d’autant plus probant qu’il a été concocté sans prétention. L’œuvre de Gaston Leblanc. Sur une base de cerises à grappe disposée dans une jarre sans rainures, Gaston soumet un brouet suspect à une patiente macération. En farteur consciencieux, il termine le tout au liège, sans trop pousser le bouchon… Je m’en suis farci un ou deux verres, puis une bouteille avec  » une belle gang  » de fanatiques lacordaires, au nombre desquels se distinguaient les Alfred Fortier, Gaétan Beaulieu et Paul Junique. Si ça se vend comme les farts de l’heure, mon Gaston, je te prends 1 500 actions privilégiées !

Trèves de légèreté. Et puis non ! Notre sport reste toujours aussi attirant et nouveau parce qu’il est fait de tout ça, de grande forme enviée et de méforme pardonnée, d’un mélange d’odeurs de cire et du bouquet d’un clairet hors-série, de grimaces d’effort et de connivences joyeusement partagées au seuil d’un samedi soir. Le camp nous le rappelle. C’est l’un de ses grands mérites.

1994

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